L’Opéra Studio de l’Opéra national du Rhin en tournée avec L’Enfant et les sortilèges

Xl_brenda_poupard © Klara Beck

Un rendez-vous scénique avec les artistes d’un Opéra Studio s’honore volontiers. L’initiative rend encore plus heureux lorsque la rencontre ne s’écrit pas qu’avec les happy few. L’Opéra national du Rhin s’associe à la Comédie de Colmar, dont la codirectrice Émilie Capliez signe la mise en scène enlevée d’un Enfant et les sortilèges de Ravel destiné à sillonner les routes du Grand Est jusqu’au mois de mai 2022, partout sauf devant des fauteuils rouges de salles lyriques. Une flûtiste, un violoncelliste, deux pianistes (un 4 mains), des décors transportables facilement : ce projet d’ « opéra nomade » a tout d’un buddy opera à l’esprit de troupe. C’est l’occasion rêvée pour les néophytes de découvrir leur premier ouvrage lyrique près de chez eux, et pour les connaisseurs de profiter d’un spectacle aux dimensions sur mesure. Toute résistance est inutile, on ne peut qu’être conquis !


Liying Yang - L'Enfant et les sortilèges - Opéra national du Rhin


L'Enfant et les sortilèges - Opéra national du Rhin

Si L’Enfant et les sortilèges requiert habituellement une opulence orchestrale, il est ici interprété dans la version de chambre transcrite par Didier Puntos en 1989, forte de son historique de plus de 400 représentations dans le monde. Cet arrangement respire la symbiose entre les trois instruments, grâce à une écriture en une « baignade » collective s’éloignant de la hiérarchisation des parties. Comme le timbre circonstanciel et la complémentarité de sons sont plus sollicités que la tessiture absolue, les pizz du violoncelle (jeu luxuriant d’Octave Diaz) peuvent se confondre avec les graves du couteau suisse de flûtes (Noa Berkovitch) et le barbotage des cordes frappées (Didier Puntos et Rosa Ji-Hyung Kim, en un grand flux facétieux). La météo musicale reste au (très) beau fixe, dans une recherche ininterrompue d’idées et d’éléments mirifiques.

Il y a ensuite l’Opéra Studio de l’institution alsacienne, qui s’offre avec énergie à l’art du théâtre musical. Le chant est si assuré qu’il n’entrave en rien l’incarnation d’acteur ; le théâtre est si convaincu qu’il embarque le spectateur sans réserve. Émilie Capliez fait d’ailleurs évoluer les personnages dans le joyeux désordre des coulisses d’un lieu d’art dramatique. L’Enfant s’installe à côté du piano pour tenter de commencer ses devoirs, au beau milieu du va-et-vient des comédiens entre chaque retour de scène. Ces derniers se vengent de la colère de l’Enfant en enfilant leurs plus beaux costumes (dus à Marjolaine Mansot et Alban Ho Van) pour semer le trouble dans son imagination. La lisibilité ne s’efface à aucun moment, et les yeux ne crient jamais famine, notamment grâce aux lumières de Bruno Marsol. On se régale d’observer que personne ne fait semblant dans cet univers de fantaisie : ils courent, se charrient, se déguisent, vont jusqu’au bout de leurs intentions. La voix de Brenda Poupard suit l’envie de moment de son Enfant dans la vérité la plus complète. La fraîcheur et le caprice volent à la même altitude, tandis que les sortilèges sont ceux de sa prosodie. Les nuages de phrases de Liying Yang bercent tout autant que le cheminement gazeux et émouvant de Lauranne Oliva. Le fringant Damian Arnold est un luxueux caméléon de caractères extrêmement bien croqués par une ligne précise et chatoyante. La pimpante Floriane Derthe et le vigoureux Oleg Volkov s’amusent des élans ravéliens. Le divin légato d’Elsa Roux Chamoux et l’application minutieuse de Damien Gastl sont également de la fête.

La production évoluera sûrement au fil des escales, et on en attend avec impatience le carnet de voyage !

Thibault Vicq
(Colmar, 19 décembre 2021)

L’Enfant et les sortilèges, de Maurice Ravel, avec l’Opéra Studio de l’Opéra national du Rhin et des musiciens de la Haute école des arts du Rhin (HEAR) :
- à la Comédie de Colmar jusqu’au 21 décembre 2021
- au Théâtre de Hautepierre (Strasbourg) du 12 au 23 janvier 2022
- au Dôme (Mutzig) le 27 janvier 2022
- au Théâtre municipal de Sainte-Marie-aux-Mines le 29 avril 2022
- à ACB Scène nationale (Bar-le-Duc) le 5 mai 2022
- au Centre socio-culturel Pax (Mulhouse) du 11 au 20 mai 2022

N.B. : le pianiste Levi Gerke et la flûtiste Miglė Astrauskaitė joueront également à certaines représentations

Crédit photo (c) Klara Beck

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