Tannhäuser à la Royal Opera House, Covent Garden

Xl_tannhauser-peter-seiffert-sophie-koch-roh-2016. © Tannhäuser (c) ROH

Après Der fliegende Holländer, Tannhäuser en 1845 est considéré comme deuxième opéra de la maturité de Richard Wagner. Se déroulant dans l’Allemagne du treizième siècle, l’œuvre s’articule autour du chevalier-ménestrel éponyme. Sentant son art et ses talents de chanteurs incompris de ses contemporains, Tannhäuser trouve refuge au Venusberg où il se laisse envoûter par l'amour de Vénus. Peu à peu, le héros aspire néanmoins à retrouver son ancienne vie et pense à la douce et innocente Elisabeth, qu’il a laissée derrière lui. Venus consent à contrecœur à le laisser partir, tout en prédisant néanmoins qu’un jour, il aspirerait ardemment à la revenir vers elle.


Tannhäuser retrouve ses amis et retourne sur sa terre natale, dans la vallée de la Wartburg, où il participe à un tournoi de chant. L’épreuve consiste à présenter une chanson qui exprime l’essence même de l’amour, et Elisabeth récompensera le vainqueur du prix de son choix, quel qu’il soit. Tandis que les amis de Tannhäuser décrivent l’amour comme une source d’eau pure et un sentiment chaste, il clame haut et fort qu’il est le seul à avoir connu le véritable amour et révèle la passion brûlante qu’il a vécue auprès de Vénus.

Toute l’assistance est horrifiée par les péchés qu’il avoue avoir commis, et seule l’intervention d’Élisabeth lui évite l’exécution. Le Landgrave de Thuringe ordonne alors à Tannhäuser de se rendre en pèlerinage à Rome. Tannhäuser s’exécute, mais le Pape refuse de l’absoudre de ses péchés et proclame qu’il faudrait un miracle pour le sauver des flammes de l’enfer. Privé de tout espoir, Tannhäuser songe à retourner au Venusberg, lorsqu’il apprend la mort d’Élisabeth. Dans l’intervalle, elle a permis au miracle qui sauvera l’âme de Tannhäuser d’avoir lieu. Ce dernier meurt à son tour en réalisant à quel point l’amour que lui vouait Élisabeth était profond.   

La production de Tim Albery de 2010, aujourd’hui reprise pour la première fois, utilise l’espace scénique comme une métaphore de l’artifice. Le Venusberg est représenté sous la forme de la scène de la Royal Opera House en version miniature. Ainsi, lorsque Tannhäuser quitte la déesse, le rideau tombe littéralement sur elle. De retour dans la vallée de la Wartburg, lorsqu’il est de nouveau admis au sein du cercle des chevaliers, ces derniers entrent dans le même décor, se démarquant de tout lieu spécifique, pour correspondre à un espace symbolisant le bien-être et la sécurité. Dans l’Acte II, il se dégrade peu à peu pour symboliser l’effondrement des certitudes, et dans l’Acte III, on le retrouve dans un état de délabrement avancé. En fin de soirée, lorsque Vénus invite son amant à la rejoindre, une avant-scène qui a retrouvé toute sa splendeur descend de nouveau, puis elle disparaît, laissant entendre que tout ce qui est authentique et vrai ne peut être que le produit d’actes vertueux et doit s’élever vers le ciel.

Sophie Koch campe une splendide Vénus à la voix riche et vibrante, même si son chant est parfois émaillé de défaillances au niveau des intonations, liées entre autres à un manque de puissance dans le registre des graves. Emma Bell, excellente dans le rôle d’Élisabeth, déploie une voix douce et mélodieuse qui a la faculté de s’élever au-dessus de tout. Peter Seiffert, qui interprète Tannhäuser, offre dans l’ensemble des sonorités puissantes et amples, mais il tarde à prendre son envol et sa voix semble trop souvent mal assurée. Bien qu’il livre une prestation honorable et susceptible de s’améliorer au fil des représentations, il peine à s’imposer en tant que personnage central de la soirée.

Plus particulièrement, lorsque Tannhäuser prend la parole pour défendre son opinion lors du tournoi de chant, il arrive difficilement à transmettre la passion dévorante qui le pousse à sortir de son silence. Ce problème semble symptomatique de l’ensemble de cette production. Il est en effet difficile pour un public contemporain de condamner les agissements de Tannhäuser. La mise en scène doit donc dépeindre la société de l’époque, basée sur une certaine idée de la religion et de la piété, de manière à ce que la gravité des crimes commis par Tannhäuser paraisse évidente, ce qu’Albery n’a pas su faire.

Les points forts de cette production restent néanmoins ces moments qui évoquent la sérénité, un autre élément important de cet opéra, notamment dans l’Acte III, qui met généralement en scène peu de personnages. Christian Gerhaher, dans le rôle Wolfram, l’ami de Tannhäuser, contribue également à instaurer cette atmosphère de quiétude. Il propose une interprétation surprenante des airs de l’Acte II et de l’Acte III, notamment « Oh du, mein holder Abendstern », qu’il chante avec une telle délicatesse que l’immense salle de l’opéra se transforme soudain en un lieu de douce intimité.

Le chef d’orchestre, Hartmut Haenchen, a opté pour une approche mesurée de la partition qui permet de mettre en valeur les différentes lignes et textures. Il livre une performance puissante, même si l’on décèle de temps à autre de légères imperfections, comme des défauts de synchronisation occasionnels entre l’orchestre et les chanteurs, ou lors de l’Entrée des Invités, dans l’Acte II, où la recherche de l’équilibre sonore tend à amoindrir le climat d’exubérance qui devrait se dégager dans cette partie. Stephen Milling, le Landgrave, et Ed Lyon, Walther, sont excellents dans leurs rôles respectifs. L’Ouverture emblématique est agrémentée d’une chorégraphie haute en couleur signée Jasmin Vardimon, et le chœur offre une prestation remarquable d’un bout à l’autre de la soirée. Cette version de Tannhäuser ne figurera certes pas parmi les plus sublimes, du fait de ses nombreuses faiblesses, mais les passages réussis sont vraiment exceptionnels.

traduction libre de la chronique de Sam Smith
crédit photo : Clive Barda

Tannhauser | du 26 avril au 15 mai à la Royal Opera House, Covent Garden de Londres

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