Une bouleversante Katia Kabanova à l'Opéra Grand Avignon

Xl_katia_k © Cédric Delestrade

C’est avec un immense bonheur que nous retrouvons – à l’Opéra Grand Avignon, en création locale – la magnifique production de Katia Kabanova (Leos Janacek) que Nadine Duffaut avait montée, il y deux saisons, à l’Opéra de Toulon (en coproduction avec la structure avignonnaise). Nous renvoyons le lecteur à tout le bien que nous en avions dit et pensé alors, en soulignant que - plus que la maison toulonnaise (la plus grande jauge de province après Marseille) - l’Opéra-Théâtre de la Cité des Papes (hélas à moitié vide…) s’avère un écrin idéal pour cet ouvrage, en plaçant interprètes et spectateurs dans une vraie proximité.

Dans le rôle-titre, nous retrouvons la superbe soprano allemande Christina Carvin qui incarne une Katia d’une bouleversante vérité. A la fois enfantine et d’une sensualité violente, son incarnation de l’héroïne ostrovskienne s’avère d’une pertinence musicale et scénique confondante, comme on en trouve rarement sur les scènes lyriques. Elle émeut ainsi fortement par l’innocence et la pureté qu’elle instille à Katia, mal armée pour lutter contre le tourbillon passionnel où l’entraîne à la fois la légèreté de Varvara et la dureté de Kabanicha. Autour d’elle, une distribution proche de l’idéal, comme en état de grâce, où chacun vit et personnifie son rôle de saisissante façon. Ainsi, la Kabanicha sèche et cassante de la mezzo montpelliéraine Marie-Ange Todorovitch - déjà présente à Toulon - dont on admire le timbre tranchant, qui sait se charger de la froideur nécessaire pour donner à cette figure l’autorité naturelle qu’on attend d’un tel monstre.

Le Tikhon du ténor belge Yves Salens, tout à la fois sonore et veule, caractériel et circonspect, est parfait en mari faible, dominé par sa mère. De son côté, Ludivine Gombert habite merveilleusement le personnage de Varvara, avec la verve pétillante, l’esprit d’insubordination et le charme qui lui sont propres. On se réjouit également du beau timbre sensuel et viril à la fois du ténor messin Florian Laconi, qui incarne un Boris aussi balourd et inconsistant que le veut le texte, avec un chant en revanche héroïque et impeccablement modulé. Le jeune ténor bordelais Julian Dran compose un Kudriach un rien rêveur, tandis que Nicolas Cavallier, avec sa superbe voix de basse, incarne un Dikoï brutal, mais non dénué d’une grandeur pathétique, tant la voix sait rester belle et la ligne soignée. Les seconds rôles sont tenus de manière adéquate - avec une mention pour le Kouliguine de Sébastien Lemoine et la Fekloucha de Marion Lebègue -, quand le Chœur de l’Opéra Grand Avignon se distingue par quelques interventions aussi intenses que précises.

En fosse, l’ancien directeur du Grand-Théâtre de Tours Jean-Yves Ossonce, toujours en parfaite symbiose avec la musique de Janacek, offre une lecture exacerbée de la partition du compositeur tchèque, avec des paroxysmes magnifiques, entrecoupés de plages d’une transparence et d’une fluidité toutes poétiques. On admire les sonorités franches et la riche palette de couleurs d’un Orchestre Régional Avignon-Provence, qui parvient, avec bonheur, à mettre toujours en valeur les trésors d’une orchestration décidément fascinante.

Un spectacle dont on espère qu’il sera repris par une autre scène très prochainement !

Emmanuel Andrieu

Katia Kabanova de Leos Janacek à l’Opéra Grand Avignon, jusqu’au 29 novembre 2017

Crédit photographique © Cédric Delestrade

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