Un Rigoletto de carton-pâte à l'Opéra Royal de Wallonie

Xl_rigoletto © Lorraine Wauters

L’on n’imaginait pas, en 2017, voir une scénographie entièrement élaborée à partir de toiles peintes et de décors en carton-pâte : c’était sans compter sur Stefano Mazzonis Di Pralafera – à qui on doit cette reprise de Rigoletto dans son théâtre liégeois – et son goût pour les mise en scène « à l’ancienne ». Il avoue dans les notes d’intention être aller chercher « d’anciennes reproductions de toiles peintes comme ce fut le cas à la création ». Assumé à ce point, on ne peut lui en vouloir pour son goût immodéré du théâtre « de papa », mais il ne se rattrape malheureusement pas avec une direction d’acteurs pour le moins « discrète » tout au long du spectacle. Bref, sur le plan purement théâtral, on reste sur sa faim, avec des chanteurs trop souvent campés à l’avant-scène, les yeux rivés sur le chef, dans des poses conventionnelles (les bras en l’air ou la main sur le cœur !).

En revanche, si on peut ne pas (toujours) goûter à ses choix esthétiques, reconnaissons qu’il possède un bon « carnet d’adresses » qui lui permet d’inviter certains des meilleurs chanteurs au monde, et d’avoir aussi du flair pour repérer les stars lyriques de demain. C’est bien évidemment le cas avec le baryton roumain George Petean, que nous considérons – aux côtés de Ludovic Tézier, Tassis Christoyannis et Luca Salsi – comme l’un des meilleurs barytons verdiens du moment. Dans ce rôle en or, Petean impressionne par son ample gamme de couleurs expressives alliée à des aigus généreux et à une intense énergie dans l’accent. Le comédien s’avère par ailleurs superbe, conférant au rôle-titre une vive charge émotionnelle, notamment dans sa façon d’exsuder toute l’humanité de cet être difforme rongé par le remords. La rage vengeresse lui convient, cela dit, tout autant que la fragilité du père aimant et le fameux air « Cortigiani, vil razza », entonné dans une effarante rage, fait froid dans le dos...

Dans le rôle du Duc de Mantoue, le ténor albanais Giuseppe Gipali enthousiasme, comme à sa bonne habitude, grâce à son timbre clair, brillant et ensoleillé. Les notes hautes sont projetées avec une aisance péremptoire, et l’élégance des phrasés est exemplaire : l’air « Bella figlia dell’amore » est ainsi céleste de tenue et de lumière. Dommage que l’acteur soit plus en retrait, son jeu n’étant pas vraiment celui d’un séducteur au charme irrésistible, mais les qualités du chant compensent largement cette légère carence et en font indubitablement un des meilleurs Duc du moment. Sa Gilda est la jeune cantatrice sicilienne Jessica Nuccio qui possède une indéniable présence scénique, et de superbes qualités vocales. Malgré un timbre encore un peu vert, elle délivre le fameux « Caro nome » avec un formidable luxe de suraigus émis pianissimo, et des vocalises de haut vol. Las, seule la mezzo française Sarah Laulan (Maddalena) tire son épingle du jeu parmi le reste de la distribution, grâce à ses beaux graves et à un physique du rôle quasi parfait.

Au pupitre, Giampaolo Bisanti dirige l'Orchestre de l'Opéra Royal de Wallonie-Liège avec fougue, tout en préservant habilement l’équilibre entre fosse et plateau. Le chef italien se montre surtout capable d’installer un vrai rythme ainsi qu’une cohérence dramatique à sa lecture qui forcent l’admiration.

Emmanuel Andrieu

Rigoletto de Giuseppe Verdi à l’Opéra Royal de Wallonie, jusqu’au 6 janvier 2018

Crédit photographoique © Lorraine Wauters

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