Un Orphée et Eurydice en demi-teinte à l'Opéra de Dijon

Xl_orphe © Gilles Abegg

Après avoir présenté l’Orfeo de Monteverdi en ouverture de saison, l’Opéra de Dijon inaugure l’année 2017 avec Orphée et Eurydice de C. W. von Gluck dans sa version française de 1774. Afin de mettre en scène cet opéra, la maison bourguignonne a fait appel à Maëlle Poésy qui signe là son premier travail lyrique, étant habituellement tournée vers le théâtre : un premier essai qui ne s’avère malheureusement pas une grande réussite. La jeune femme de théâtre propose en effet une vision scénique sans grande originalité : l’introduction sert à nous faire voir la préparation du mariage, à notre époque contemporaine, et nous montre Eurydice qui s’écroule, morte. D’autres cependant ont déjà eu l’idée de placer la jeune épouse sur scène dès le début de l’opéra, à l’instar de Dominique Pitoiset, pour sa production bordelaise, en 2012. Le décor assez simple et dépouillé (signé par Damien Caille-Perret) reflète pour sa part la simplicité globale de la mise en scène : un plateau sert de fond et un autre de plafond, qui s’ouvre pour faire tomber de la terre sèche, tandis que certains choristes et danseurs recouvrent le sol de cette même terre. Le plateau du haut s’entrouvre également afin de laisser tomber des cintres d’imposantes racines. Là aussi, l’image de terre et de racines, pour symboliser le monde des enfers, reste sans surprise, malgré le beau travail exécuté sur les lumières par Joël Hourbeigt. L’opéra se clôt sur la seule idée quelque peu originale de la soirée : tandis que les chœurs célèbrent Amour, la scène de préparation du mariage vue en ouverture se rejoue et Eurydice s’effondre à nouveau, morte, avant que les lumières ne s’éteignent, introduisant une réflexion cyclique sur l’œuvre. Bref, une mise en scène simple, pour ne pas dire simpliste, qui n’apporte pas de nouvel éclairage sur l’œuvre (sans la dénaturer non plus…).

Par bonheur, musicalement parlant, l’ensemble se montre parfait de justesse et d’homogénéité : les interprètes s’adaptent ici avec infiniment d’intelligence aux directions scéniques adoptées, parvenant à imposer cette dimension purement humaine des personnages à travers un jeu et un chant tout en nuances. Le suédois Anders J. Dahlin est le ténor aigu (montant jusqu’au contre-ré !) capable de virtuosité exigée par la partition. Quand on rajoute une diction parfaite qui rend superfétatoire la lecture des surtitres, et une capacité à émouvoir indéniable, le lecteur comprendra qu’on tient là un Orphée sur lequel on peut aujourd’hui compter. De son côté, Elodie Fonnard est une Eurydice accomplie, aux notes rondes et claires dans le médium, et un aigu aussi éclatant que délié. Quant à l’Amour de Sara Gouzy, il s’avère non moins parfait, avec un timbre qui ne manifeste aucune fracture, et un art consommé de donner un sens à une partie vocale qui n’est pourtant pas très passionnante.

L’Orchestre Dijon-Bourgogne, enfin, est placé sous la direction du jeune chef basque Inaki Encina Oyon : une interprétation équilibrée, à la fois précise et très présente, qui avance, avec juste la petite pointe de « baroquisme » nécessaire pour rehausser les couleurs de l’ensemble.

Emmanuel Andrieu

Orphée et Eurydice de C. W. von Gluck à l’Opéra de Dijon, jusqu’au 8 janvier 2017

Crédit photographique © Gilles Abbeg / Opéra de Dijon
 

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