Un Faust ésotérique à l'Opéra de Lausanne

Xl_faust Photo © M. Vanappelghem

Malgré la note d'intention, on ne peut que se perdre en conjectures sur cette production (ésotérique) de Faust, signée par Stefano Poda, étrennée au Teatro Regio de Turin il y a un an, et dont l'action commence dans un lieu indéfini où trône un gigantesque anneau qui symbolise « le pacte entre l'homme et le Non-être ». Plus prosaïquement, il sert également de refuge aux amoureux, de prison à Marguerite, d'église ou encore de lieu de sabbat. Dans la fameuse Nuit de Walpurgis, il en sort des trépassés aux corps grisâtres, sorte de vermine s'agglutinant qui emporte bientôt Faust aux enfers. Cet anneau hypnotique permet d'offrir des images d'une beauté plastique inouïe, renforcée par des lumières magiques, conçues également par le metteur en scène italien, qui signe aussi les costumes et les décors, en véritable démiurge qu'il est.

Magnifique Roméo à l'Opéra de Monte-Carlo il y a deux saisons, le ténor sicilien Paolo Fanale offre un Faust tout aussi mémorable. Sa vaillance, ses qualités de mélodiste, sa diction châtiée de notre langue et son bel engagement dramatique en font un des titulaires du rôle les plus crédibles du moment. Son grand air du III « Demeure chaste et pure » - qu'il termine par une impalpable note piano – s'avère une authentique leçon de style. La soprano mexicaine Maria Katzarava campe une frémissante Marguerite, en imposant un chant qui sait allier merveilleusement énergie et élégance, discipline vocale et expression passionnée. Son excellente prononciation du français, ainsi que le soin apporté au respect du style de l’ouvrage, ajoutent à la performance de l’artiste. Elle assume vocalement et sans aucune faille ce rôle périlleux, y compris dans ses composantes les plus sombres (scène de l’église). 

Le Méphistophélès de la basse afro-américaine Kenneth Kellogg est particulièrement vigoureux, et l'on peut compter sur le mordant du timbre et la puissance de la voix pour faire impression durablement sur le spectateur. On relèvera également le flegme de l'artiste, comme quand – pendant l'air « Vous qui faites l'endormie » - il perce le ventre gonflé de femmes enceintes... la fleur aux lèvres. La mezzo suisse Carine Séchaye confirme, avec un Siébel plein de juvénilité et d’ardeur, les espoirs que l’on fonde sur elle. De son côté, le baryton français Régis Mengus incarne un Valentin toujours prêt à en découdre. La voix est homogène sur tout l'ambitus, soyeuse, et il en use harmonieusement avec autorité et chaleur. Les comprimariBenoît Capt (Wagner) et Marina Viotti (Dame Marthe) - tiennent bien leur rôle.

En fosse, à la tête de l'Orchestre de Chambre de Lausanne, le chef français Jean-Yves Ossonce offre une lecture de la partition de Gounod lyrique à souhait, extraordinairement attentive aux chanteurs comme à la cohésion des pupitres, jouissive de par sa dynamique et sa pulsation. Quant au chœur maison, superbe de cohésion et de vaillance, il ne mérite que des louanges et c'est une véritable ovation que le public a offert aux artisans de cette grande réussite.

Emmanuel Andrieu

Faust de Charles Gounod à l'Opéra de Lausanne, jusqu'au 12 juin 2016

Crédit photographique © Marc Vanappelghem

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