Un Didon et Enée réussi à l'Opéra Grand Avignon

Xl_didon_et_en_e_de_purcell___l_op_ra_grand_avignon © Julien Championnet

Les contingences financières de ces temps de crise, combinées à l’innovation, peuvent produire d’intéressants résultats ! C’est le cas de cette production de Didon et Enée mise en scène par Benoît Bénichou pour l’ARCAL qui, après avoir tournée un peu partout en France, pose ses valises pour deux soirées à l’Opéra Grand Avignon. Comme cela arrive souvent avec la brève et fulgurante partition de Henry Purcell, un Prologue (et même un Epilogue !) ont été ici rajoutés, ce qui se défend d’un point de vue dramaturgique. Pour ce faire, la dramaturge Katherine Kollen a puisé dans l’Enéide de Virgile, tandis que des extraits d’autres œuvres du maître anglais (The Fairy Queen ou Timon of Athens) sont mis à contribution pour le pendant musical.

La scénographie est des plus spartiates (Mathieu Lorry-Dupuy), constituée de deux cages amovibles pendant le Prologue, puis d’une autre plus grande et rectangulaire descendant des cintres, qu’accompagnent de grands voilages pour segmenter l’espace scénique. Le reste est confié aux éclairages de Caty Olive, qui aveugle le public dans le Prologue, pour ensuite se faire particulièrement discret, laissant le plateau dans une obscurité parfois problématique. La scène la plus réussie reste celle des sorcières, obtenue grâce à un jeu de lumières, cette fois sous forme d’ombres chinoises, particulièrement angoissantes et donc réussies. Enfin, les chorégraphies (très simples) imaginées par Anne Lopez permettent aux chœurs de participer activement à l’action théâtrale.

De la distribution se détache d’abord le bel Enée du baryton français Romain Bockler : il capte l’attention par son timbre sombre, qui accroche, séduit et sait se faire suave. Un comble dans ce rôle de prince presque antipathique !  De son côté, Daphné Touchais offre une touchante Belinda, à la voix pure et ronde. Quant à Chantal Santon Jeffery, elle campe une intense et émouvante Reine de Carthage, notamment dans le fameux air de déploration final « When i am laid in earth » . Et si le timbre n’est pas d’une beauté immédiate, elle sait le parer de couleurs changeantes, grâce à sa technique vocale accomplie.

Le violoniste Johannes Pramsohler, qui dirige son Ensemble Diderot depuis son instrument, propose des ornementations parfois surprenantes, surtout lors des fins d’actes, mais elles sont plutôt bien vues, et sa direction s’avère à la fois précise et sensible. Enfin, le Chœur de l’Ensemble Diderot est parfaitement en place, et participe au succès de la soirée.  

Emmanuel Andrieu

Didon et Enée de Henry Purcell à l’Opéra Grand Avignon (avril 2022)

Crédit photographique © Julien Championnet

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