Turandot - dans sa version Berio - à l'Opéra de Toulon

Xl_img_1696 © Frédéric Stephan

Quelle bonne idée a eu l’Opéra de Toulon de reprendre la mise en scène de Turandot imaginée par Federico Grazzini, pour l’Opéra de Nice, en 2014. Outre sa beauté formelle, cette production avait la particularité - et même l’audace - de proposer le finale de Luciano Berio (plutôt que celui d’Alfano), ce que nous avions longuement commenté dans notre recension niçoise, en plus de la description des partis pris scéniques.

C’est en revanche une distribution entièrement renouvelée qu’a réunie Claude-Henri Bonnet qui, fidèle à son talent de découvreur de voix, est allé dénicher quelques pépites. A commencer par le ténor franco-tunisien Amadi Lagha qui chante Calaf avec une assurance totale, une projection glorieuse, et des accents aussi vaillants que virils. L’éclat du timbre et la générosité des moyens font ainsi mouche auprès du public, notamment dans le fameux « Nessun dorma » qui fait jaillir une salve d’applaudissements. Dans le rôle-titre, la soprano bulgare Gabriela Georgieva convainc moins bien, en campant une impassible Turandot, dont le jeu de scène se limite à deux ou trois mimiques. Certes, la chanteuse possède la vaillance qui sied à cette partie, mais c’est au détriment de la chaleur et de la stabilité de l’émission, et au prix d’aigus la plupart du temps indurés. On retrouve notre enthousiasme avec la magnifique prestation de la soprano guatémaltèque Adriana Gonzalez dans le rôle de Liu. Cette élève de l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris campe une touchante esclave, amoureuse sans mièvrerie, tendre sans complaisance, par la grâce d’un phrasé d’une pudeur délicate et d’un aigu aux chatoiements opalins. Son style d’une rare élégance, et plus encore les sons filés qu’elle parvient à distiller dans l’air « Signore Ascolta », font chavirer le cœur des spectateurs. On prend aussi du plaisir à voir et à entendre le trio des Ministres, trois chanteurs (Frédéric Goncalves, Antoine Chenuet et Vincent Ordonneau) qui s’ébrouent avec une telle joie dans la complicité de leurs personnages, qu’ils s’avèrent irrésistibles. Enfin, le timbre ample de la basse brésilienne Luiz-Ottavio Faria confère à Timur un profil inhabituellement accusé, tandis que les interventions d’Olivier Dumait (Altoum) et de Sébastien Lemoine (Un Mandarin) méritent également d’être saluées.

En fosse, le chef hollandais Jurjen Hempel, (nouveau) directeur musical de l’Opéra de Toulon, s’attache à faire jaillir tout le lyrisme de la partition de Giacomo Puccini, insufflant à la phalange provençale une vitalité qui circule généreusement. De leurs côtés, la Maîtrise du Conservatoire de Toulon Provence Méditerranée et le Chœur de l’Opéra de Toulon composent des ensembles impressionnants, pour la plus grande joie d’une audience qui n’a pas boudé son plaisir au moment des saluts !

Emmanuel Andrieu

Turandot de Giacomo Puccini à l’Opéra de Toulon, le 29 janvier 2019

Crédit photographique © Frédéric Stephan

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