Reprise d'Un bal masqué de Verdi selon Waut Koeken au Théâtre Graslin de Nantes

Xl_6-6-un_bal_masqu_-_c2images_pour_op_ra_national_lorraine_9_ © J. M. Jagu

Le public nantais a réservé un accueil chaleureux à cette production signée par Waut Koeken du Bal masqué de Giuseppe Verdi, coproduite avec l’Opéra national de Lorraine, où elle avait été étrennée en mars 2018, et que notre collègue Elodie Martinez avait minutieusement détaillée et longuement commentée. Rajoutons que si le thème du théâtre dans le théâtre a été cent fois vu, il prend ici une vraie justification dramatique, et que si l’on ajoute une belle gestion de l’espace et une direction d’acteurs efficace, le lecteur aura compris que tout est beau et intelligent dans ce spectacle...

L’autre raison du succès de cette représentation tient aussi à une distribution qui, dans son ensemble, fait honneur à l’ouvrage du maître de Busseto, à commencer par la jeune soprano italienne Monica Zanettin qui aborde avec un sang-froid désarmant le rôle meurtrier d'Amelia : comédienne à la superbe présence, elle affiche des attitudes d’une saisissante humanité ; technicienne déjà consommée, elle affronte un à un tous les obstacles sans les contourner ; musicienne accomplie, elle suspend le temps dans un « Morro, ma prima in grazia » d’un désespoir intense, émis sur le souffle. Stefano Secco - que nous avions déjà entendu dans le rôle à La Monnaie de Bruxelles en 2015 - lui répond avec autant d’énergie que de raffinement. A la vaillance générale des accents s’ajoutent, dans les airs principaux en particulier, un sens du phrasé et une science de la dynamique vocale, qui portent encore la marque d’une parfaite éducation belcantiste. Certes, le ténor italien a parfois tendance ce soir à forcer le trait, au risque même de frôler la rupture, mais il n’en reste pas moins un Gustave III attachant.

Nous attendions beaucoup de Luca Grassi, naguère admiré en Giorgio Germont ; certes le rôle de Renato Anckarström ne lui permet pas de déployer une aussi vaste palette de couleurs, mais on est un peu frustré que, doté d’un pareil matériau, il n’ose pas une caractérisation plus fine et nuancée, avec une émission un peu uniformément brutale et plus d’un aigu émis en force. Pour Laura Brioli initialement annoncée, sa compatriote Agostina Smimmero fait forte impression en Ulrica Arvidson. Chanteuse d’un fort charisme, sa voix sonore, ses graves abyssaux et ses accents tragiques n’ont pas de mal à électriser l’auditoire. De son côté, la jeune soprano israélienne Hila Baggio confère au page Oscar un naturel, une vivacité, un humour, une fraîcheur vocale, qui le font passer du rang des bibelots superflus à celui des protagonistes de première grandeur. Signalons, enfin, la parfaite tenue des seconds rôles, notamment celle de Jean-Vincent Blot en Comte Horn et de Sulkhan Jaiani en Comte Ribbing.

En plus d’interprètes majeurs, Un ballo in maschera exige un grand chef d’orchestre, capable d’en traduire les tonalités opposées, tout en respectant l’implacable progression dramatique. Malheureusement, le chef italien Pietro Mianiti ne parvient qu’imparfaitement à donner ce souffle d’ensemble, à la tête d’un Orchestre national des Pays de la Loire que l’on a connu par ailleurs plus inspiré et mieux sonnant…

Emmanuel Andrieu

Un Ballo in maschera de Giuseppe Verdi au Théâtre Graslin de Nantes, jusqu’au 21 mars 2019

Crédit photographique © J. M. Jagu

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