Un Bal masqué à Nancy : le monde est un théâtre…

Xl_un_bal_masqu__c2images_pour_op_ra_national_lorraine__8_ © C2Images pour Opéra national Lorraine

Verdi remporte en cette fin du mois de mars un vif succès dans l’hexagone : entre le festival qui lui est dédié à Lyon (regroupant Attila, Don Carlos et Macbeth), Simon Boccanegra donné à Dijon ou encore Le Bal masqué dont la Première a eu lieu dimanche à Nancy.


Un Bal masque, Opéra national de Lorraine ;
© C2Images pour Opéra national Lorraine


Un Bal masque, Opéra national de Lorraine ;
© C2Images pour Opéra national Lorraine

Si l’espace semble avoir le vent en poupe pour les mises en scène lyriques, l’inspiration du théâtre n’a pas dit son dernier mot, comme le montre cette nouvelle production à l’Opéra national de Lorraine. Signée par Waut Koeken, elle nous emmène dans ce que le théâtre a de faste et de secret, avec sa scène et ses coulisses. L’emploi de l’espace est ici exploité intelligemment et l’on apprécie que l’antre d’Ulrica soit l’arrière-scène, ou plus exactement l’envers de la scène, qui peut pivoter. Ce dispositif de petit théâtre installé sur une estrade, elle-même posée sur la scène de l’opéra nous plonge dans une belle mise en abîme. Les nombreux rideaux rouges font leur effet, précisément au lever du rideau lors de l’ouverture, dévoilant ou cachant ce qui se trame en arrière plan, y compris les comploteurs qui apparaissent déjà tout trois couverts d’un masque d’or représentant la mort. On retrouve ce système de mise en abîme dans la maquette présente sur le bureau du roi à l’ouverture, représentant ce que sera la scène du bal masqué, magistrale. Nous nous retrouvons face à la toile du plafond de l’opéra de Naples où aurait dû être créée l’œuvre, cerné de part et d'autre par les balcons, comme si nous étions allongés à la place des fauteuils d’orchestre. Quant à l’image finale, elle est de toute beauté, faisant disparaître le faste de la fête, les balcons devenant coulisses en bois, la toile de fond disparaissant pour laisser place à un projecteur qui offrira l’unique lumière et détachera les contours des personnages en contre-jour. Enfin, comment ne pas remarquer la courte scène qui se déroule sur le théâtre et montrant un assassinat, annonçant déjà celui du roi ? L’art de la prémonition se retrouve donc également dans la mise en scène de Waut Koeken qui nous offre un moment plaisant où, enfin, il n’y a nul besoin de se triturer l’esprit pour profiter de ce que l’on voit ! L’opéra, qui se veut ouvert à tous, l’est aussi visuellement ici.

Sur le plateau, bien que les premiers instants nous aient laissé craindre le pire pour le roi de Suède, Stefano Secco qui interprète Gustavo III (le livret choisi étant l’originel) retrouve très vite ses moyens et laisse alors entendre une projection très appréciable bien que le jeu manque parfois de naturel, comme lors de son duo avec Amelia où il semble ne pas savoir quoi faire et regarde bien plus que de coutume le chef d’orchestre. L’émotion reste présente lors de sa mort, mais davantage grâce à sa voix. Rachele Stanisci (Amelia) fait pour sa part entendre des aigus très légers au début de l’œuvre, donnant l’impression de faire très attention, comme si elle marchait sur des œufs. En effet, lorsqu’elle déploiera davantage sa voix, elle manquera de rondeur et, bien qu’elle ne commette aucune erreur, elle est celle qui convainc le moins dans cette distribution, en opposition à Ewa Wolak, frappante Ulrica qui marque les esprits et impressionne à chaque note, faisant montre d’une amplitude rare. Si elle est présentée comme mezzo-soprano, elle offre toutefois une prestation digne d’une excellente contralto ! Les graves sont caverneuses, retentissantes, sans jamais pécher par des aigus claires et envoyées avec éclat. A n’en pas douter, ce nom est à suivre et nous espérons l’entendre davantage à l’avenir, la qualité du jeu répondant à celle de la voix.


Giovanni Meoni (Renato) et Hila Baggio (Oscar) ; © C2Images pour Opéra
national Lorraine

Le Renato de Giovanni Meoni, qui finira pardonné par le roi, donne à voir un très beau jeu d’acteur, montrant toute l’ambivalence de ce personnage entièrement dédié à son ami avant de basculer dans la folie de la vengeance. Fabrizio Beggi est pour sa part un Comte Ribbing dont la détermination et la noirceur se reflètent admirablement dans la ligne de chant et la voix projetée dans la salle. Emanuele Cordaro incarne le troisième comploteur, le Comte Horn, tandis que Philippe-Nicolas Martin est un beau Christian. Enfin, il ne faut pas oublier de saluer la prestation de Hila Baggio en Oscar, déguisée en fou du roi mais avec un costume bien plus féminin lors du bal, offrant elle aussi de beaux moments, notamment grâce à un sens du rythme marqué.

Côté fosse, Rani Calderon parvient à rendre à la partition de Verdi toutes ses nuances, alliant la légèreté de l’amusement, notamment lié à Oscar, à la gravité de la tragédie qui se trame et des sentiments nés chez les trois conspirateurs. Le maestro obtient ici le meilleur de l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy alors que le Chœur de l’Opéra national de Lorraine ne démérite en rien.

Une belle production qui permet un peu de légèreté tout en offrant un beau jeu de mise en abîme où le théâtre et le divertissement sont rois !

Elodie Martinez
(Nancy, le 25 mars 2018)

Un Bal masqué, Opéra national de Lorraine jusqu'au 5 avril

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