Rafael Villalobos complexifie à outrance Orlando de Haendel au Festival Castell Peralada

Xl_orlando_peralada © Toti Ferrer

Enfant terrible de la scène espagnole, le jeune Rafael R. Villalobos officie cette fois dans son pays – après sa déroutante Tosca bruxelloise en juin dernier –, au prestigieux Festival Castell Peralada, où Oriol Aguilà l’a invité à monter Orlando de Georg Friedrich Haendel. Avec cette fois une extraordinaire économie de moyens (une table, une machine à écrire et des livres !), avouons que nous n’aurions rien compris à l’histoire si nous n’avions pas eu accès aux notes d’intention (hyper-intellectualisées) du trublion sévillan. En l’occurrence, il a cherché à faire fusionner le célèbre ouvrage éponyme de Virginia Woolf avec le livret de Carlo Sigismondo (d'après l'Arioste), transposant le trio (lesbo) amoureux de l’écrivaine anglaise dans l’ouvrage de Haendel (amputé ici de 45mn de musique), Dorinda devenant Virginia Woolf, Angelica son amante Vita Sackville-West, etc. Et comme si l’histoire n’était pas assez complexifiée comme cela, il a ajouté à son récit des passages du roman Les Heures de Michel Cunningham, adapté au cinéma par Stephen Daldry, et l’on peine alors tout à fait à reconnaître ses petits, les spectateurs quittant complètement interloqués et perdus l’Auditorium du Château de Peralada. Reconnaissons cependant à Rafael Villalobos une vraie maestria pour la direction d’acteurs, à qui il demande beaucoup, notamment au rôle-titre (Xavier Sabata) dont les qualités de gymnaste auraient pu être reconnues aux JO de Tokyo !

Bien que sonorisés (chose inhabituelle à Peralada), les chanteurs se montrent tous exceptionnels, et récoltent – de façon très justifiée – un formidable triomphe au moment des saluts. A commencer par le rôle-titre incarné par le contre-ténor catalan Xavier Sabata qui affirme peu à peu son personnage pour atteindre, dans la fameuse scène de la folie, un très haut niveau de tension dramatique. Le chanteur se joue des difficiles ornementations de sa partie, et maîtrise à la perfection l’art de la pyrotechnie vocale, comme dans l’air « Fammi combattere », où son registre grave s’avère également particulièrement nourri. Les parties lentes et tristes – dont son rôle est amplement pourvu – le voient également très impliqué, et il les interprète avec beaucoup d’expressivité.

La basse espagnole José Antonio Lopez campe un bon Zoroastre, vocalement et dramatiquement, et agit en deus ex machina omnipotent. Dans le rôle d’Angelica, la soprano espagnole Sabina Puertolas offre un soprano aérien, délicat, émouvant (très beau « Verdi piante »), de pétillantes inflexions et un sens dramatique certain. De son côté, Eve-Maud Hubeaux gratifie l’audience de son timbre chaud et mordoré, charnu dans le grave et bien projeté dans l’aigu. Saluons enfin la Dorinda de la soprano suisse Marie Lys : sa voix claire, soyeuse, bien timbrée et son sens de la scène lui permettent de conférer à ce personnage à la fois délicat et tendre une sincérité charmante et une intense chaleur humaine.

En fosse, le chef catalan Dani Espasa dirige l’ensemble Vespres d’Arnadi qu’il fait dialoguer avec les voix avec un souci constant du relief expressif des motifs instrumentaux, que l’amplification due à Roc Mateu ne vient au final pas trop perturber.

Emmanuel Andrieu

Orlando de Haendel au Festival Castell Peralada, le 30 juillet 2021

Crédit photographique © Tito Ferrer

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