Orphée et Eurydice à l'Opéra de Marseille

Xl_img_0533 © Christian Dresse

Alors que s'achèvent, à l'Opéra de Nice, les représentations du Freischütz de Weber dans la version que Berlioz élabora, en français, pour l'Opéra de Paris (en 1841), l'Opéra de Marseille affiche, de son côté, l'Orphée et Eurydice de Gluck, dans la version que le compositeur français remania en 1859 à l'intention des moyens de la célèbre cantatrice Pauline Viardot.

Directeur du Ballet national de Marseille (coproducteur du spectacle), Frédéric Flamand signe à la fois la mise en scène, la chorégraphie et les lumières. Si le dédoublement (voire la multiplication) des trois protagonistes n’a rien de neuf - qu’on se rappelle la fameuse production que Pina Bausch avait imaginé pour l’Opéra de Paris en 1975 -, la gestique des danseurs et danseuses nous a paru, quant à elle, bien absconse, sans qu’on puisse jamais la relier à l’action et au livret. On peut légitimement se demander si l’incessante agitation générée par tous ces artistes – par ailleurs talentueux – ne vient pas contredire la volonté de Gluck avec cet ouvrage d’un genre nouveau à l’époque, qui recherchait avant tout la simplicité, la clarté et une certaine forme de rigueur. De même, la scénographie de Hans Op de Beeck - si elle gratifie l’œil de fort belles images - nous semble participer de cette même contradiction par sa surcharge et sa complexité.

Précédée d’une flatteuse réputation, la mezzo arménienne Varduhi Abrahamyan campe ce soir un Orphée devant lequel les Enfers ne pouvaient que s’incliner, de même que le public. Car la cantatrice possède toute l’étendue et l’étoffe vocales que requiert ce rôle difficile, dont les « accents déchirants » passent par des exigences de puissance, de couleur et de virtuosité peu communes. C’est peu dire qu’elle affronte crânement ces exigences, notamment dans le redoutable air pyrotechnique « L’espoir renaît dans mon âme », ajouté par Berlioz à la partition originale. Assurément une des grandes tutélaires du rôle aujourd'hui.

Face à elle, la soprano française Ingrid Perruche ne démérite pas en Eurydice, avec sa voix ronde, pleine et sensuelle. Quant à Maïlys de Villoutreys, elle s'avère un Amour au timbre plus corsé que de coutume dans cet emploi, et ravit grâce à un art consommé de donner un sens à une partie vocale qui ne compte pourtant pas au nombre des plus grandes réussites musicales de son auteur.

Il conviendra enfin de saluer le travail du chef irlandais Kenneth Montgomery qui parvient à obtenir de l'Orchestre de l'Opéra de Marseille – qu'on sait peu rompu à ce répertoire - une transparence et une incisivité rythmique remarquables. De même, les chœurs maisons s'investissent avec une ardeur et un élan accomplis, et sont pour beaucoup dans la réussite musicale de la soirée.

Emmanuel Andrieu

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