Oksana Lyniv dirige Andrea Chénier, son premier opéra en version scénique au Teatro Comunale di Bologna

Xl_tcbo_andrea_ch_nier_scena_atto_quarto__andrea_ranzi_d4_8490-min © Andrea Ranzi

Nommée il y a tout juste un an directrice musicale de l’Orchestre du Teatro Comunale di Bologna, la cheffe ukrainienne Oksana Lyniv n’avait pas encore eu l’occasion de diriger un opéra en version scénique dans l’institution lyrique de la capitale de l’Emilie-Romagne. C’est chose faite avec cet Andrea Chénier de haute volée qui est à son affiche en ce moment. Petite par la taille, elle n’en dirige pas moins avec une farouche énergie – et même avec une ardeur et une flamme qui débordent parfois du cadre de ce que requiert le magnifique ouvrage d’Umberto Giordano. La tentation devait néanmoins être trop forte de faire rutiler la superbe phalange bolognaise qui se présente effectivement ici sous son meilleur jour.

De son côté, la distribution ne suscite que des motifs d’enthousiasme. En double distribution aux côtés de Gregory Kunde (qui chantait le rôle la veille in loco seulement deux jours après son splendide Alvaro dans La Forza del destino au Festival Verdi de Parme), le ténor italien Luciano Ganci renouvelle, dans le rôle-titre, l’extraordinaire émotion qu’il avait suscitée avec son incroyable Manrico au Festival de Macerata il y a deux ans. Car ce chanteur a décidemment tout pour lui : un aigu facile et puissant, un médium robuste, un souffle admirablement contrôlé, un phrasé tour à tour ardent et émouvant, et surtout cet éclat et ce métal typiques des lirico spinto qui font les grands Chénier. Admirable dans le chant belcantiste, sa compatriote Maria Pia Piscitelli convainc tout autant dans le répertoire vériste, dessinant une captivante Maddalena di Coigny tant sur le plan vocal que scénique. Les aigus passent sans problème la rampe de certains déferlements sonores revendiqués par Oksana Lyniv, et l’on admire tout autant les demi-teintes dont elle sait notamment parer la fameuse aria « La Mamma morta », immortalisée par le film Philadephia. Stefano Meo tient également son rang en Carlo Gérard avec une voix sombre et mordante, imposante par son volume sonore. Il s’avère aussi être un superbe acteur, et se meut de manière toujours très crédible en scène, donnant une véritable épaisseur aux visages successifs de son personnage : domestique, dignitaire de la Révolution, amoureux éconduit et sans espoir, farouche adversaire de Chénier, etc. La dévouée Bersi possède le charme primesautier et la sensibilité de Cristina Melis. Manuel Custer incarne avec force la vieille Madelon, offrant à la France son dernier rejeton, tandis que Federica Giansanti compose une touchante Comtesse de Coigny. L’Abbé visionnaire d’Orlando Polidoro, le Roucher chaleureux de Vittorio Vitelli, ou le Fouquier-Tinville glaçant de Nicolo Ceriani sont autant de « seconds rôles » de choix.

Quant à la mise en scène de Pier-Francesco Maestrini, elle ne cherche pas à s’éloigner de la période révolutionnaire, bien au contraire, et tant les trés beaux décors de Nicolas Boni que les magnifiques costumes de Stefania Caraggi nous replongent à la fin du XVIIIe siècle. Tous les actes respectent à la lettre les lieux décrits par le livret, mais avec une intelligente utilisation d’images vidéo conçues également par le scénographe. Le superbe tableau de Watteau qui sert de toile de fond au I est mangé par les flammes (révolutionnaires) à la fin de l’acte, et l’on retrouve l’image d’un château incendié au II. Chaque tableau est marqué par le goût d’une recherche esthétique riche et prononcée : le dernier tableau, montrant un bâtiment en ruine au milieu duquel a été dressée une guillotine, est rendu plus dramatique encore par les savants éclairages réglés par Daniele Naldi et flatte les rétines (photo).

De la belle ouvrage qui a ravi le public bolognais, lequel n’a pas boudé son plaisir et offert de multiples rappels à l’ensemble de l’équipe artistique !

Emmanuel Andrieu

Andrea Chénier d’Umberto Giordano au Teatro Comunale di Bologna, le 19 (et jusqu’au 23) octobre 2022

Crédit photographique © Andrea Ranzi

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