Marie-Nicole Lemieux chante Rossini à l'Opéra National de Montpellier

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Découverte au niveau international quand elle fut Lauréate du prestigieux Concours de la Reine Elizabeth en 2000, puis plus spécifiquement en France grâce aux Victoires de la Musique classique en 2004, la grande contralto canadienne Marie-Nicole Lemieux a choisi l'Opéra National de Montpellier pour graver son nouvel enregistrement, entièrement consacré à Gioacchino Rossini, disque live qui sortira en janvier 2017. C'est aussi deux concerts (au Corum) auxquels le public montpelliérain a largement répondu présent, et qui se sont soldés par un triomphe, de nombreux rappels, puis une standing ovation plus que méritée.

Autant que ses qualités vocales – son incroyable souffle, ses vertigineux sauts de registre et surtout une voix dotée de graves profonds qui sait se faire tour à tour caressante ou flamboyante de virtuosité -, c'est sa générosité, sa bonne humeur, sa vitalité exubérante et communicative, ses éclats de rire sonores, la complicité qu'elle sait tisser tant avec le public qu'avec le chef ou les instrumentistes, qui ont conquis le public montpelliérain (même si certains esprits chagrins ont trouvé qu'elle en faisait trop...), des qualités humaines que nous avons eu la chance et le bonheur de vivre plus « immédiatement » lors d'une interview qu'elle nous a accordée entre les deux concerts.

La fête commence avec le fameux air Di tanti palpiti tiré du premier grand succès de Rossini, son opéra Tancredi. D'emblée, sa facilité dans les vocalises, son aplomb vocal, la noblesse du timbre  et son aisance dans la coloratura lui permettent de délivrer avec panache cette difficile aria dans son exécution, ainsi que l'air plus redoutable encore (et électrisant) qui suit : In si barbara sciagura tirée de Semiramide (rôle d'Arsace). Son troisième air (en solo) est un des plus connus de Rossini, le Pensa alla patria tiré de L'Italianna in Algeri, rôle qu'elle a étrenné il y a trois ans à l'Opéra National de Lorraine. Elle y fait preuve de l'espièglerie et de la facétie que requiert cet air virevoltant, mais aussi de la féminité, de la fierté et de la subtile ironie de cette prima donna se parodiant elle-même.

Entre ces trois airs, la célèbre soprano italienne Patrizia Ciofi – venue à la fois par amitié (elles ont souvent chanté côte à côte dans des productions d'opéra) et parce qu'elles ont les mêmes agents artistiques et la maison de disques (Erato) – interprète avec Lemieux deux duos : Lasciami, non t'ascolto (Tancredi) et Ebben, per mia memoria (La Gazza ladra), dans lesquels leurs voix s'accordent à merveille. C'est un bonheur de voir la sincère complicité qu'entretiennent les deux cantatrices, très à l'écoute l'une de l'autre. Au moment des bis, elles rivalisent de drôlerie dans le désopilant Duo des chats - et ses incroyables variations sur le simple mot « Miaou » ! Autres bis, en solo cette fois, la contralto délivre ce qui est certainement l'air le plus célèbre du Cygne de Pesaro, Una voce poco fa, tiré du non moins célèbre Barbier de Séville, puis l'air Cruda sorte extrait de L'italianna in Algeri, dans lesquels sa passion incendiaire rend crédible chacune des émotions des deux personnages.

Sous la direction du chef italien Enrique Mazzola (un habitué de la maison), l'Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon – que l'on n'attendait pas aussi convaincant dans un répertoire auquel il est finalement peu rompu – brille de cohésion, de réactivité et de précision lors de l'exécution de quatre Ouvertures parmi les plus célèbres de Rossini, celles de Tancredi, La Cenerentola, L'Italianna in Algeri et surtout l'extraordinaire Guillaume Tell, dont on gardera en mémoire le solo de violoncelle de Cyrille Tricoire, par lequel débute l'ouvrage, empreint d'une intense et indicible émotion.

Comme nous l'évoquions au début de notre recension, l’effet produit sur un public tout à la fois hagard et hilare, le mène au bord de l’hystérie, et c'est debout qu'il offre chaleureusement à la chanteuse canadienne une interminable ovation.

Emmanuel Andrieu

Marie-Nicole Lemieux en récital à l'Opéra National de Montpellier, le 2 novembre 2015

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