Le duo Cavalleria Rusticana / I Pagliacci à l'Opéra-Théâtre de Metz

Xl_cavalleria_ © Arnaud Hussenot

Les intéressantes notes d'intention de Paul-Emile Fourny – maître des lieux et signataire de la mise en scène - permettent d'éclairer les spectateurs sur le couplé Cavalleria Rusticana / I Pagliacci, donné pour trois représentations à l'Opéra-Théâtre de Metz. Il transpose le premier ouvrage dans une carrière de sel, comme on en trouve sur les côtes de la Sicile, dans les années d'après guerre. Nul élément de décor ici, hors quelques toiles descendant des cintres pour figurer la maison de Mama Lucia ou l'église du village, et quelques sobres projections vidéos pour évoquer les éléments : une nuit étoilée ou un orage menaçant. I Pagliacci se déroule à notre époque, dans une décharge de vêtements. C'est là que les saltimbanques posent bientôt leur balluchon et montent leurs tréteaux pour jouer leur comédie amère. Metteur en scène et scénographe (Benito Leonori) savent cependant dépasser la narration simplement anecdotique de faits divers pour dépeindre avec crudité les passions exacerbées qui traversent ces courts opéras. La violence des images corrobore ici celle de la musique et l'on se rapproche d'un réalisme cinématographique bienvenu.

La distribution réunie par Paul-Emile Fourny s'avère très satisfaisante. Dans Cavalleria, la mezzo espagnole Lorena Valero - en comédienne déjà avertie – fait de Santuzza un personnage complexe, d'une rare densité, et bouleverse de bout en bout. Une fois résolu des petits soucis d'instabilité de la ligne et de tension dans l'aigu en début de représentation, elle donne ensuite sa pleine mesure, faisant ressentir un aigu plus franc, un grave nourri, tout en préservant son personnage de toute vulgarité. Dans le rôle de Nedda, sa consœur italienne Francesca Tiburzi – qui nous avait séduit la saison dernière in loco en Amelia – confirme les premières impressions, et s'impose même comme la triomphatrice de la soirée : timbre capiteux, émission facile, aigu puissant et rayonnant, rien ne manque...

Présent dans les deux ouvrages, le ténor américain Marc Heller convainc bien mieux dans Pagliacci que dans Cavalleria. Le timbre manque par trop d'italianità pour rendre justice au personnage de Turridu, mais ses remarquables talents d'acteur font mouche quand il interprète le pathétique air de Canio « Vesti la giubba », dans lequel il touche profondément. Egalement distribué dans les deux opéras, le baryton argentin Fabian Veloz dispose d'une voix franche et harmonieuse, et son jeu apparaît comme sincère, sans charge excessive. La mezzo albanaise Vikena Kamenica est une Mama Lucia plus vraie que nature tandis que Paola Mazzoli campe une Lola aguicheuse, par ailleurs joliment chantante. Excellent le Silvio du baryton coréen Ilhun Jung, tandis que le Beppe d'Enrico Casari n'appelle aucun reproche.

En fosse, le chef français Jacques Mercier – à la tête de son Orchestre National de Lorraine – parvient à créer dans les deux partitions les paroxysmes voulus, sans tomber dans le piège du mauvais goût. Un beau spectacle qui contribue à lever l'opprobre dans laquelle l'école vériste semble encore plongée...

Emmanuel Andrieu

Cavalleria Rusticana (Pietro Mascagni) & I Pagliacci (Rugerro Leoncavallo) à l'Opéra-Théâtre de Metz – le 7 juin 2016

Crédit photographique © Arnaud Hussenot

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