La Traviata à Bordeaux : Kévin Amiel et Elbenita Kajtazi offrent une deuxième distribution de haute volée

Xl_la_traviata_cb_onb_credit_ericbouloumie_4 © Eric Bouloumié

Nous n’avions été qu’à moitié convaincus par cette production de La Traviata imaginée par Pierre Rambert pour le Théâtre du Capitole il y a deux ans. Coproduit avec l’Opéra national de Bordeaux, le spectacle a dû déménager du Grand-Théâtre à l’Auditorium « pour raisons sanitaires », et les quelques sources d’intérêt de la production se voient tout simplement balayées dans cette salle dédiée à la musique symphonique, à commencer par les lumières et les projections vidéo qui passent ici à la trappe. Bref, ça se regarde sans déplaisir mais ça n’éveille jamais vraiment l’intérêt non plus... La soirée repose ainsi sur les épaules de Paul Daniel et des chanteurs, et là le succès est total. Le premier offre toujours, à la tête de son remarquable Orchestre National Bordeaux Aquitaine, une direction rapide, nerveuse et éminemment théâtrale : sa lecture du chef d’œuvre de Giuseppe Verdi fait en permanence avancer la musique et le drame, et nous aimons ça !  

Dans le rôle-titre, la soprano d’origine kosovar Elbenita Kajtazi est une étonnante découverte, qui possède de nombreuses qualités : plastique avenante, présence en scène charismatique, engagement dramatique constant et naturel, dans sa façon de bouger mais aussi de chanter le texte. Le tout avec une voix puissante, ronde et homogène, techniquement affûtée, même si le passage au suraigu pourrait encore gagner en fluidité. En Alfredo, le jeune ténor toulousain Kévin Amiel lui tient tête. Doté d’un physique charmeur et d’une voix solaire, il témoigne surtout de progrès fulgurants. Au jeune talent prometteur, mais encore maladroit il y a deux ou trois ans, a succédé un artiste sûr de lui et de ses moyens, au chant nuancé, et au jeu de bout en bout concerné et engagé. De son côté, Anthony Clark-Evans offre un Germont aux moyens tout simplement évidents : fermeté de l’émission, autorité dans l’accent et science du legato sont autant d’atouts dont dispose le baryton étasunien. Enfin, les comprimari (avec une mention pour la Flora d'Ambroisine Bré et le Gaston de Jérémy Duffau) autant que le chœur maison se montrent également impeccables.

Pour la petite histoire, nous aurions également dû entendre la première distribution (réunissant Benjamin Bernheim et Rachel Willis-Sørensen), mais un (énième) aléa ferroviaire nous en aura empêchés…

Emmanuel Andrieu

La Traviata de Giuseppe Verdi à l’Opéra National de Bordeaux, jusqu’au 27 septembre 2020

Crédit photographique © Eric Bouloumié

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