Ildar Abdrazakov, majestueux Attila à l'Opéra de Monte-Carlo

Xl_attila2 © Alain hanel

Avec son transfert de l'Opéra Royal de Wallonie - où le spectacle a été créé il y a deux saisons - à l'Opéra de Monte-Carlo, la production liégeoise d'Attila de Giuseppe Verdi gagne en force avec sa nouvelle distribution vocale... surtout grâce à la présence rayonnante d'Ildar Abdrazakov, dans le rôle-titre, qui assure au spectacle un impact dramatique que la mise en scène - confiée à la célèbre basse italienne Ruggero Raimondi – est bien incapable de revendiquer (nous y reviendrons...).

De fait, l'autorité et l'aisance vocale de la basse russe - ainsi que son sens du drame - dotent le terrible guerrier amoureux d'une cohérence psychologique que le compositeur n'a fait qu'esquisser dans sa partition. Avec un phrasé impeccable, une large fourchette de nuances et une intonation aussi péremptoire que tranchante, Abdrazakov sait concentrer sur Attila tout l'intérêt du spectateur. Sa voix allie sans rupture violence percutante et douceur veloutée lors de l'aveu amoureux ; tendue et blafarde, elle rend également crédibles les angoisses du dormeur arraché au sommeil par un rêve prémonitoire ; corsée, véhémente jusqu'au cri, elle justifie non moins brillamment la terreur qu'inspirent ses caprices aux guerriers réunis. Les nombreuses attaques en force dans le haut du registre sont maîtrisées avec autant d'éclat et de rondeur que les incursions dans le grave, couronnées par un La bémol clair et projeté sans difficulté. La classe et la facilité d'un tel chant, alliées à la perfection de la caractérisation psychologique, font tout simplement de cet Attila l'une des grandes incarnations verdiennes sur les scènes lyriques actuelles.

Après les désistements successifs d'Anna Markarova et de Carmen Giannattasio, c'est finalement à Rachele Stanisci qu'est dévolue la difficile partie d'Odabella... qu'elle incarne avec toute la fureur et les excès requis. Le timbre ardent de la soprano italienne dessine les arêtes vives qui hérissent les profils de l'écriture vocale avec une limpidité qui dédommage amplement l'auditeur de quelques sons fâcheusement « mouillés » dans le médium. Le ténor basque Andeka Gorrotxategi n'éprouve aucune peine à affranchir Foresto de toute pâleur ; la voix est impétueuse, rageuse et ne manque jamais de l'appui nécessaire à la projection parfaite du son. Il lui manque pourtant une touche d'individualité et d'élégance sans laquelle ce jeune chanteur risque bien de rejoindre la liste déjà bien longue des braillards qui emplissent sans peine les Arènes de Vérone en assassinant Verdi avec le sourire. Le magnifique baryton roumain George Petean, en revanche, redonne à Ezio le beau rôle sur le plan vocal. Sa ligne de chant soignée, son legato souverain et sa diction impeccable sont un baume pour les oreilles de l'auditoire.

Côté orchestral, on est saisi, dès le Prélude, par la progression implacable de la musique, de l'impalpable pianissimo initial au fortissimo conclusif. Atténuant au maximum tout ce que ce Verdi de jeunesse peut avoir de clinquant, le chef italien Daniele Callegari privilégie la noblesse du discours, l'élan mélodique et l'urgence rythmique. Sous sa baguette, l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo sonne avec un magnifique éclat.

Enfin, comme nous le disions en préambule, déception relative pour la mise en scène de Ruggero Raimondi, dans laquelle les comportements des personnages et les arrangements pittoresques des choristes font appel à une bonne vieille tradition lyrique. La scénographie de Daniel Bianco – si elle flatte l'œil – délimite surtout un espace qui leur interdit pratiquement de bouger. Les superbes éclairages d'Albert Faura contribuent également à produire de fort belles images... mais rien n'y fait, la vraie qualité de la proposition scénique de Raimondi est surtout celle de ne rien déranger dans l'écoute de la musique et des voix...

Emmanuel Andrieu

Attila de Giuseppe Verdi à l'Opéra de Monte-Carlo – Avril 2016

Crédit photographique © Alain Hanel

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