Cecilia Bartoli, étoile de la légendaire production de La Cenerentola signée par Jean-Pierre Ponnelle

Xl_cenerentola © Alain Hanel / Opéra de Monte-Carlo

Pour ouvrir sa nouvelle saison, l’Opéra de Monte-Carlo est allé chercher la légendaire production de La Cenerentola de Rossini imaginée par Jean-Pierre Ponnelle pour La Scala de Milan en 1973, reprise ensuite à Munich, puis un peu partout en Europe, dont un dernier tour par l’Opéra de Paris en décembre 2011, représentations auxquelles notre confrère Alain Duault avait pu assister et dire tout le bien qu’il en pensait. Quelque quarante-quatre années après sa création, le spectacle (repris ici par Grischa Asagaroff) ne paraît aucunement vieilli et le cadre du conte de Cendrillon demeure un émerveillement pour la rétine : un magnifique décor noir et blanc, en profondeur, comme dans les opéras baroques ; chaque détail est peint avec le plus grand soin, un vrai livre d’images que l’on déplie au fur et à mesure, dans lequel l’invention théâtrale de Ponnelle est constamment riche en surprises, et le jeu rythmique des mouvements toujours en parfaite harmonie avec celui des voix, jusque dans les plus vertigineuses poursuites syllabiques.

Bouleversante Norma in loco la saison dernière, Cecilia Bartoli revient à la Salle Garnier avec le rôle de ses débuts, celui d’Angelina qu’elle a chanté sur toutes les plus grandes scènes de la planète. Le timbre demeure superbe, la virtuosité impressionnante, l’extrême aigu d’un rayonnement époustouflant, sans oublier un merveilleux sens des nuances, qui se déploie plus particulièrement dans son duo avec Ramiro.  Et puis la diva romaine sait comme personne traduire – avec un savant mélange de naturel et de sophistication – la vulnérabilité, la tendresse et le goût du rêve qui font partie intégrante de l’héroïne du conte de Charles Perrault. La conception du personnage de Don Magnifico, véritable brute qui bat sa fille, rétablit de surcroît l’équilibre interne de l’intrigue. Le personnage est ici incarné par le vétéran espagnol Carlos Chausson, qui fait preuve d’un prodigieux abattage et d’une émission percutante. Avec son physique longiligne, il brosse par ailleurs un portrait plus inquiétant que de coutume de cet avare révoltant.

En Ramiro, le ténor uruguayen Edgardo Rocha se montre tout simplement exceptionnel : sa voix assurée et brillante dans l’aigu, techniquement infaillible dans la vocalise, riche de nuance dans sa grandiose romance amoureuse au II, semble avoir trouvé avec ce rôle l’emploi idéal à la mise en valeur de toutes ses qualités intrinsèques. Baryton « chouchou » de la maison monégasque, l’italien Nicola Alaimo campe un Dandini de grande classe, qui ne fait qu’une bouchée du chant sillabato ! De leurs côtés, Rebeca Olvera (Clorinda) et Rosa Bove (Tisbe) se démènent comme de belles diablesses, et forment un duo possédant les qualités requises pour s’insérer dans les nombreux ensembles auxquels elles sont associées. Enfin, le jeune baryton italien Vincenzo Nizzardo (Alidoro) retient fortement l’attention grâce à une voix solide qui allie beauté du timbre, vélocité, et  élégance du phrasé.

En fosse, le chef italien Gianluca Capuano – à la tête de l’orchestre Les Musiciens du Prince – Monaco (dirigé artistiquement par Cecilia Bartoli herself) – mène la nouvelle formation de main de maître et sait faire mousser les ensembles, tout en conférant une âpreté mordante au chant des cordes. Ce Rossini-là séduit moins qu’il n’égratigne les oreilles d’un public enchanté de découvrir, sous la rugosité de la surface, un art de l’instrumentation que beaucoup n’imaginait pas si diversifié. Le Chœur (d’hommes de l’Opéra de Monte-Carlo) lui-même vise moins à l’homogénéité vocale qu’à la vivacité d’un débit qui donne un poids dramatique inattendu à ses interventions.

Bref, une étourdissante soirée rossinienne à l’Opéra de Monte-Carlo !

Emmanuel Andrieu

La Cenerentola de Gioacchino Rossini à l’Opéra de Monte-Carlo, le 2 novembre 2017

Crédit photographique © Alain Hanel
 

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