Nadine Sierra et Piotr Beczała dans La Traviata à Salzbourg : un festival de voix empreintes d'expression créative

Xl_la-traviata-festival-de-pentecote-de-salzbourg-2025-nadine-sierra-piotr-beczala-luca-salsi © (c) SF / Marco Borrelli

La Traviata de Giuseppe Verdi au Festival de Pentecôte de Salzburg 2025

Si La Traviata est aujourd’hui l’un des opéras de Verdi parmi les plus populaires, sa première représentation en 1853 au Teatro La Fenice de Venise s’est soldée par un fiasco – que le maestro rapporte lui-même, au point qu’il souhaitait interdire toute reprise de l’ouvrage. On en ignore la cause exacte (la distribution, le sujet du livret ou à la musique), mais le succès de l’œuvre espéré à Venise s’est néanmoins rapidement installé à travers le monde et La Traviata s’impose aujourd’hui comme une pièce majeure du répertoire lyrique. Le choix de l’ouvrage correspond donc parfaitement au thème du Festival de Pentecôte de Salzbourg de cette année, placé sous le signe des « Sons de la Sérénissime ». Pouvant compter sur une distribution prestigieuse, la direction a opté pour une version de concert du drama lirico évoquant l'amour sacrificiel de la courtisane Violetta pour le jeune et impétueux Alfredo Germont. La jeune femme s’effacera par amour pour satisfaire aux exigences sociales de la famille Germont, puis ruinée et mourante, elle ne retrouvera son amant que le temps de s’éteindre dans ses bras. L’émouvant récit, nourri par des éléments autobiographiques, est magistralement mis en musique par le compositeur.

Au Grosses Festspielhaus de Salzbourg, Nadine Sierra insuffle à la fois une grande dignité et beaucoup d’émotion à cette forte personnalité féminine, qui succombe à la maladie. Avec charisme, elle évolue tout au long de la soirée, composant d’abord une fêtarde coquette et ivre de plaisir, puis une grande dame gracieuse et irréprochable, avant de se traîner pieds nus sur scène dans le dernier acte, vêtue d'une combinaison de soie noire. Tous les interprètes déploient une grande théâtralité à même de captiver le public, malgré l’absence de scénographie et de mise en scène. Musicalement, le soprano de Nadine Sierra possède puissance et souplesse, porté par une voix sombre, particulièrement bien projetée dans le registre médium. Avec une belle assurance, elle maîtrise parfaitement ce rôle exigeant, alternant coloratures et aigus fulgurants. On perçoit l’évident défi qu'elle doit relever dès la fin du premier acte.

La Traviata 2025 : Piotr Beczala (Alfredo Germont), Nadine Sierra (Violetta Valéry), Mozarteum Orchestra Salzburg (c) SF / Marco Borrelli
La Traviata 2025 : Piotr Beczala (Alfredo Germont), Nadine Sierra (Violetta Valéry), Mozarteum Orchestra Salzburg (c) SF / Marco Borrelli

Avec Piotr Beczała à ses côtés dans le rôle d’Alfredo, la jeune Américaine peut compter sur un ténor chevronné à la voix parfaitement posée. Il interprète ses airs avec un charisme rayonnant et les legatos les plus raffinés, se fondant dans la voix de Nadine Sierra dans les duos intimes. Luca Salsi, dans le rôle du Père Germont, fait montre également d’une grande maîtrise vocale. Une fois de plus, il se montre en grande forme et convainc dans le rôle d'un père attentionné mais aussi sévère. Tant dans le duo avec l'héroïne « qui s’est égarée » que dans celui avec son fils, il oscille entre la rigueur du devoir et une humanité profonde. Les seconds rôles sont également bien distribués. Le chœur de l'Opéra de Monte-Carlo – dont Cecilia Bartoli est la directrice artistique, fonction qu’elle occupe aussi à Salzbourg – s'intègre parfaitement dans la pièce simplement esquissée et impressionne grâce des harmoniques raffinées et un son équilibré.

Le chef Massimo Zanetti s'épanouit visiblement à la tête de l'Orchestre du Mozarteum de Salzbourg, qu'il dirige à grand renfort de gestes, à défaut de beaucoup d'inspiration, et qu'il encourage avec assiduité. Après la pause, la direction paraît plus colorée, plus vivante, avec des images plus vives pour souligner l'action.

Le public réserve un solide enthousiasme et d’immenses acclamations aux artistes dans une salle comble.

traduction libre de la chronique en allemand d'Helmut Pitsch
Salzbourg, 8 juin 2025

La Traviata au Festival de Pentecôte de Salzbourg, le 8 juin 2025

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