Emőke Baráth enchante la chapelle de la Trinité à Lyon

Xl_14-emoke © Zsofi Raffai

Nous évoquions récemment la sortie du disque d’Emőke Baráth accompagnée d’Il Pomo d’Oro et de Francesco Corti. Ces derniers se sont retrouvés le vendredi 1er février Salle Gaveau à Paris, puis le lendemain à la Chapelle de la Trinité de Lyon dans le cadre des Grands Concerts dans un programme réunissant certes plusieurs airs présents sur le disque, mais pas seulement.

En effet, la soirée se compose de deux parties très distinctes. La première débute par « Lagrime mie » de Barbara Strozzi, la compositrice mise en avant dans le disque (représentée ici au travers de pour seulement deux titres, avec « Mi fa rider la speranza »), tandis que Cavalli apparaît à trois reprises avant de clôturer le premier temps du récital. Dès les premiers instants, nous entendons donc les superbes graves veloutés d’Emőke Baráth, impressionnants lorsqu’ils proviennent d’une soprano. Aucune déception non plus quant à la prononciation, tout aussi parfaite que celle que nous avions entendue sur le disque. Une chose cependant se produit sur scène qu’un enregistrement ne peut pas restituer : la communion avec la magie du lieu (sur lequel nous étions brièvement revenu lors du récital de Cecilia Bartoli et Philippe Jarousski). En effet, la chapelle de la Trinité a trouvé en Emőke Baráth une voix avec qui communier, faisant naître cette étincelle si particulière, inexplicable, que l’on ressent parfois. Un enchantement qui se prolongera toute la soirée.

Les trois premiers extraits s’enchaînent sans pause, intégrant la brève Sinfonia de Cavalli entre « Lagrime mie » et  « Alba, ch’imperli i fiori… Amor, che mascherasti » du même compositeur. On se rend compte alors d’une vraie différence entre la virtuosité vocale déployée dans l’œuvre de Strozzi (également cantatrice et se souciant particulièrement de la voix), et celle de Cavalli, plus lisse, donnant le sentiment de marier finalement la voix à la musique et non l’inverse, quand bien même l’on ressent un lien de parenté entre les deux écritures. Suit « Mi fa rider la speranza » qui permet d’apprécier tout l’investissement de la soprano dans son interprétation, nous faisant comprendre les émotions des partitions, sans avoir recours aux textes dans le programme. Un mot d’ailleurs sur ce programme de salle tandis qu’enchaîne la sonata sopra « Fuggi dolente core » de Biagio Marini car celui-ci est, à notre sens, d’une belle qualité par son contenu : là où beaucoup se cantonne aux biographies des artistes et au texte du récital, les Grands Concerts vont plus loin en introduisant chaque air d’un liminaire plus ou moins développé présentant le compositeur et, bien sûr, l’extrait, y compris lorsqu’il s’agit des sonates. Des textes pertinents qui permettent ainsi de situer l’œuvre tant dans la vie du compositeur que dans l’époque et qui la rende d’autant plus accessible au public. Nous refermons à présent cette parenthèse afin de revenir au programme avec « Speranza ingannatrice » d’Antonio Cesti où la cantatrice fait entendre des attaques franches lorsqu’il le faut, avant qu’Il Pomo d’Oro ne reprenne la main pour le Ballo detto Eccardo qui nous fait décidément regretter qu’il n’y ait pas encore davantage de partie instrumentale ce soir. L’énergie, l’homogénéité, les dialogues, la complicité déployés sont un véritable délice pour les oreilles. Enfin, « Vanne interpido » de Cavalli clôt cette partie relative au disque.

La seconde partie de soirée s'impose presque comme une soirée à part entière tant la différence avec les courts airs et l’écriture de ce qui précède se ressent. Passer de ces premiers compositeurs à Händel est presque rude, et bien que les paroles soient toujours en italien, on a presque l’impression de quitter l’Italie ! Heureusement, le plaisir est toujours présent et l’on apprécie aussi de ne pas assister à une simple présentation du disque, même si on s’interroge sur ce qui motive l'ajout d'airs du compositeur allemand devenu anglais dans un programme principalement italien. Toutefois, la Lucrezia HWV 145 (qui suit la Sinfonia 1 d’Alessandro Stradella) est tout simplement superbe d’émotion, de nuances, et fait entendre un « morte » d’outre-tombe qui pénètre l’âme, la symbiose et l’empathie étant complètes avec le personnage.

Une fort belle soirée en somme qui montre une nouvelle fois, s’il le fallait encore, qu’un disque aussi beau soit-il ne vaudra jamais un récital, surtout de cette qualité et dans un si bel endroit.

Elodie Martinez

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