Pour la première fois, le Teatro alla Scala commande un opéra à une compositrice, Silvia Colasanti

Xl_silvia-colasanti_anna-a_teatro-alla-scala © Teatro alla Scala

De longue date, la Scala de Milan cultive une tradition de créations d’opéras – la salle milanaise a ainsi accueilli les premières de nombreuses œuvres de compositeurs emblématiques, de Rossini à Donizetti ou Verdi, mais aussi de Poulenc, Stockhausen ou plus récemment la création de Fin de Partie de György Kurtág en 2018. Le Teatro alla Scala n’avait néanmoins encore jamais commandé d’opéra à une compositrice. Injustice maintenant réparée : la maison scaligère fait appel à la musicienne romaine Silvia Colasanti pour signer un nouvel opéra. Provisoirement intitulé Anna A., l’ouvrage fait référence à la poétesse russe Anna Achmatova, repose sur un livret de l’écrivain Paolo Nori et sera mis en scène à la Scala en février 2025.

Anna A. pour Anna Achmatova

Le projet est né d’une rencontre entre Silvia Colasanti et Paolo Nori, l’un et l’autre fascinés par la figure d’Anna Achmatova (1899-1966), persécutée par le régime stalinien. La première nourrissait de longue date un projet d’opéra inspiré de la vie de la poétesse ; le second, spécialiste de la littérature russe, travaillait sur un livre consacré à son œuvre. Ils se sont rencontrés avant le début de la guerre en Ukraine et ont finalement travaillé de concert, l’une sur la musique, l’autre sur le livret.

L’opéra commandé par la Scala doit ainsi se focaliser sur un épisode particulier de la vie d’Anna Achmatova : « l'emprisonnement de son fils, injustement condamné en raison de son nom de famille (son père avait été éliminé par le régime soviétique). Pendant 17 mois, Anna Achmatova s'est rendue à la prison de Leningrad et y a rencontré d’autres mères de prisonniers, dont elle allait devenir la voix et lui ayant explicitement demandée de transformer cette expérience dramatique en poésie ».

La relation entre art et pouvoir

La compositrice explique qu’à travers « une histoire personnelle », elle entend « parler de la relation qui existe entre l'art et le pouvoir, la façon dont aucun régime politique ne peut maîtriser la littérature et l'art ». L'histoire veut qu'Anna Achmatova ne conservait pas ses poèmes de peur d’être espionnée et arrêtée par le régime : elle les écrivait, son amie Lidija Chukovskaya les apprenait par cœur et les textes étaient brûlés. « Les poèmes avaient alors leur vie propre et on les a même retrouvé gravé dans un morceau d’écorce dans un goulag ». « Je trouve très belle l'idée que la poésie surmonte la peur du régime ».

Aujourd’hui, Silvia Colasanti est la première compositrice à qui la Scala commande un opéra. Elle se dit heureuse d’être la première femme à composer pour la maison milanaise, mais précise aussi espérer ne pas être la dernière. Et de souligner que selon elle, le fait notable est surtout que « l'Opéra le plus prestigieux du monde accueille et produise la musique de notre temps ».

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