Inauguration festive de La Cité Bleue : une petite salle qui a tout d'une grande

Xl_10032024_ouverture_lcb_fran_ois_de_maleissye-cappella_mediterranea_dsc05840 © François de Maleissye-Cappella Mediterranea

En novembre dernier, nous assistions à la présentation de la saison inaugurale de la Cité Bleue à Genève. Un rendez-vous aux accents chaleureux, qui annonçait la réouverture officielle de la salle suisse ce weekend. Un véritable événement qui donne le ton de l’atmosphère festive et familiale qui attend le public dans cette nouvelle salle de spectacle sur laquelle il faudra assurément compter.

Outre le superbe Orfeo qui inaugurait la Cité Bleue le samedi soir, les équipes avaient prévu des « portes ouvertes » afin d’accueillir le public le lendemain, dans une ambiance toujours aussi joyeuse, amicale, voire familiale, avec l’impression d’être accueillis comme des hôtes et des amis davantage que comme un public. Un sentiment qui rejoint les différents discours du directeur des lieux, Leonardo García Alarcón.

Une déambulation musicale et savamment rythmée

Avant même d’entrer dans la nouvelle salle, c’est sur la façade du bâtiment – restée d’origine – que nous attendait la première surprise de la visite après les quelques mots d’introduction du chef argentin : un numéro de danse verticale intitulé Vola Euridice, avec Rebekka Gather (danse) et Mara Miribung (violoncelle). La première, suspendue dans le vide contre la façade, joue avec la gravité, alliant verticalité et horizontalité pour un numéro de danse poétique. La seconde, perchée sur le toit du bâtiment de l’entrée, joue, chante, fait des bruitages… Les deux femmes offrent ainsi une belle entrée en matière, qui rappelle le lien de la salle avec la danse.


Portes ouvertes La Cité Bleue © François de Maleissye-Cappella Mediterranea

Divisés en trois groupes d’une quarantaine de personnes, nous visitons ensuite trois lieux selon des ordres différents afin de ne pas nous croiser et de tourner dans l’enceinte de manière efficace. Pour notre part, nous débutons par l’espace détente des artistes, au niveau inférieur. Nous nous retrouvons ainsi dans une petite pièce, devant les loges de deux artistes entendus la veille : Mariana Flores et Valerio Contaldo. Ce dernier nous accueille avec sa guitare afin de nous interpréter, en toute intimité, quelques chants de son choix. Nous nous rendons ensuite par les coulisses – entre douches, loges, buanderie, loge de la technique, piano de la maison choisi par le pianiste argentin Nelson Goerner, etc. – au Studio Bleu qui peut servir pour de la danse avec ses grands miroirs. Ici, ce sont Ariel Rychter (clavecin), Ronald Martin Alonso (viole de gambe) et Leandro Marziotte (au chant et à la guitare) qui nous attendent, souriants. Là, les trois artistes nous offrent des extraits du disque Las Musas de América du contre-ténor, sur des poèmes de Gabriela Mistral et d’Alfonsina Storni. Dans cette pièce aux lumières tamisées, le trio nous emporte au son de cette poésie et au rythme des vagues de la poésie. En étant aussi proche des artistes, on savoure avec une dimension nouvelle leur talent, partagé avec générosité.


Portes ouvertes La Cité Bleue © François de Maleissye-Cappella Mediterranea

Le troisième lieu dédié à cette déambulation musicale nous conduit au hall d’entrée, où nous attendent Anna Reinhold et la violiste Margaux Blanchard. Les deux jeunes femmes se connaissent depuis l’école primaire et ont chacune fondé leur propre ensemble, comme d’autres artistes de l’ensemble. L’instrumentiste explique que ces portes ouvertes sont aussi l’occasion de voir les artistes complets qui se cachent derrière les musiciens que l’on voit habituellement ; ainsi, entre « Laissez durer la nuit » et « Trois beaux oiseaux du paradis », nous avons le plaisir d’entendre une composition de sa création, Vol de nuit, en référence à Icare. On découvre alors une musique très expressive, visuelle même.


Portes ouvertes La Cité Bleue © François de Maleissye-Cappella Mediterranea

Un concert offert

Vient ensuite l’heure pour les trois groupes d’être réunis dans la salle de spectacle où un concert orchestré par Leonardo García Alarcón nous attend. Le chef renouvelle en d’autres termes le discours tenu la veille au soir pour exprimer sa joie de voir ce projet prendre vie, ce rêve se réaliser, cette nouvelle trace s’inscrire dans l’Histoire. De nombreux projets sont encore à naître ici, la vie ne fait que commencer. Chef, choristes et musiciens offrent – littéralement – cette journée, en tenues de tous les jours, rendant la rencontre plus authentique. Si L’Orfeo tenait à coeur au chef, il en est de même pour Hanacpachap cussicuinin, ou encore la présence du remarquable bandonéon de William Sabatier.

L’Oblivion de Piazzolla, des extraits de L’Orfeo, Crisantemi de Puccini, mais aussi l’inoubliable Ecco l’Iride paciera de Falvetti pour ne citer que ces œuvres, tout cela nous est offert avec bonté et générosité par des artistes qui nous accueillent dans leur nouvelle demeure. On assiste au jeu des lumières – si magnifiques la veille – et l’on touche du doigts la multitude de possibilités qu’offre la salle, nourrie par tous ces artistes et la bonne humeur ambiante.

Le système Constellation

Bien sûr, le point technique le plus marquant demeure la présentation du système acoustique Constellation. Déjà installé dans quelques salles européennes (notamment en Allemagne), aux Etats-Unis ou encore en Chine, il s’agit d’un système unique de réverbération. Grâce à une gamme de microphones de détection d'ambiance, un traitement du signal numérique sophistiqué et des haut-parleurs, « Constellation modifie les caractéristiques de réverbération d'une salle et redistribue le son dans tout l'espace, garantissant une expérience acoustique naturelle à chaque siège ». Tellement naturelle que l’on en oublie la présence du système.

Bien que l’on en ait eu la démonstration saisissante la veille, l’étonnement est toujours présent lorsque le chef propose un exercice simple : taper tous ensemble une fois dans nos mains. Une fois fait, il règle le système pour obtenir la réverbération de la pièce à son état naturel et nous demande de taper à nouveau dans les mains. Le décalage est presque violent : la sécheresse du son donne l’impression que celui-ci percute un mur de plein fouet, avec raideur. Puis il teste différentes amplitudes, et d’un simple geste, nous voilà transportés dans une acoustique de cathédrale. Tout cela sans bouger de notre siège, et en conservant la qualité du son qui n’est pas amplifié.

Les usages sont multiples : au-delà du spectacle et de l’immense champ des possibles qu'il ouvre, le système peut être utilisé pour des conférences (sans micro). A notre connaissance, une seule salle possède ce système en France (le Vendéspace, un complexe sportif et culturel départemental français situé au nord de La Roche-sur-Yon). A la Cité Bleue, les nouveaux résidents n’ont pas encore fait le tour de l’ensemble des possibilités qui s’offrent à eux, mais il nous tarde de découvrir ce qu’ils en feront.


Portes ouvertes La Cité Bleue © François de Maleissye-Cappella Mediterranea

Avec ces portes ouvertes, la Cité Bleue pose déjà d’importantes valeurs qui reflètent celles de son directeur : l’excellence, l’accessibilité, la générosité, le partage ou encore une atmosphère chaleureuse. Avec son système acoustique et des prix très abordables – y compris pour des bourses françaises – la petite salle a déjà tout d’une grande. Aucune fausse note n’est à déplorer dans cette belle inauguration, et l’on souhaite à la Cité Bleue un avenir aussi radieux que les sourires qu’elle donne.

Plus d'informations sont disponibles sur le site officiel de La Cité Bleue.

Elodie Martinez
(Genève, le 10 mars 2024)

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