Leonardo García Alarcón annonce la saison inaugurale 2024 de la nouvelle Cité Bleue de Genève

Xl_12112023_conflcb_fran_ois_de_maleissye-cappella_mediterranea_dsc02863 © François de Maleissye-Cappella Mediterranea

Depuis mars dernier, la Cité Bleue de Genève propose une saison hors les murs en attendant l’ouverture de la salle prévue le 9 mars prochain. Hier marquait ainsi le dernier concert de cette saison particulière – sur lequel nous reviendrons prochainement –, mais aussi l’annonce de la prochaine saison par le directeur de la salle, le chef argentin Leonardo García Alarcón. Une saison dans laquelle chacun pourra trouver de multiples plaisirs, dans un esprit de partage entre public et artistes. Une invitation chaleureuse qui devrait trouver un écho positif chez le public genevois, mais aussi au-delà des murs de la ville.

Histoire de la salle

Grâce au financement de la Fondation Simón I.Patiño, le 28 octobre 1968 marque l’inauguration de la Salle Patiño au sein de la Cité Universitaire, qui accueille notamment les Quinzaines d’Art Contemporain jusqu’en 1973. L’année suivante, elle démarre une programmation régulière dans le but d’encourager la création contemporaine locale, puis en 1976, c’est la naissance du Festival de la Bâtie où se mêlent musique, danse, théâtre et projection. L’année suivante, l’Association Contrechamps est fondée et fait venir au fil des ans de nombreux artistes de renom, tels que Luciano Berio, Luigi Nono, Klaus Huber, ou encore György Kurtag. Il faudra attendre 1986 pour que soit à son tour fondée l’Association pour la Danse Contemporaine, qui permet d’ouvrir la salle à des créations de Laura Tanner, Fabienne Abramovich, Yann Marussich, Dana Retz et Angelin Preljocaj.

Dix ans plus tard, la Fondation Simón I.Patiño se retire des activités et demande à ce que la salle change de nom. On assiste alors à la naissance de la « Cité Bleue », marquée par une exposition d’œuvres d’Yves Klein et de huit autres artistes autour du bleu.

Jusqu’en 2008, le Théâtre Confiture occupe lui aussi la salle en proposant cinq créations par saison, avant qu’Omar Porras et sa compagnie le Teatro Malandro n’investissent les lieux. Ils y proposent notamment des ateliers de transmission et de recherche théâtrale jusqu’en 2018. Toutefois, la salle devient vieillissante, et la Cité Universitaire décide de créer en 2017 la Fondation Cité Bleue en charge de rénover l’endroit et de trouver les fonds nécessaires pour cela. Il faut attendre encore quelques années pour que le projet se concrétise, et les travaux sont finalement lancés en 2022 pour aboutir à la salle que le public découvrira en mars 2024.

La Cité Bleue en 2023

L’intégralité de l’intérieur de la salle sera réaménagé et refait à neuf, du sous-sol au plafond. Les activités de médiation pourront ainsi être accueillies dans un salon de musique au sous-sol, où se trouvera également le foyer, ou encore une salle de chauffe et de répétition pour les artistes, qui bénéficieront également d’un espace détente. Un local de rangement spécifiquement conçu pour conserver les instruments (avec contrôle de la température et de l’hygrométrie) complétera le niveau.

La fosse de la salle sera mobile et motorisée, ce qui est exceptionnel pour une salle de cette taille – cette caractéristique se retrouvant davantage dans les grandes salles lyriques. Grâce à cette « alcôve creusée à l’avant de la scène dont la hauteur peut être réglée », il sera possible d’adapter le plateau selon les événements présentés, comme en la remontant au niveau de la scène afin de profiter de toute la profondeur possible.

Le fait le plus notable est certainement l’installation du système électro-acoustique Constellation, présent pour la première fois dans une salle de spectacle suisse. Ce système – mis au point par l’entreprise américaine Mayer Sound – promet une qualité acoustique remarquable en permettant d’adapter l’acoustique selon les besoins, ou les envies, offrant la possibilité de restituer les nuances les plus subtiles. Selon Leonardo García Alarcón, une personne pourra parler tout doucement du fond de la salle, et les murs s’adapteront pour qu’on l’entende parfaitement.

Enfin, plus prosaïquement, la salle aura une capacité de 301 places, avec deux groupes de tarifs (le premier allant de 10 à 60 CHF, le second de 10 à 40 CHF) et trois formules d’abonnements. Ces dernières sont d’ores et déjà disponibles, mais il faudra encore patienter jusqu’au 12 décembre pour l’achat de places individuelles.

La programmation de la Cité Bleue

À quels spectacles le public doit-il s’attendre ? Avec un directeur tel que Leonardo García Alarcón, il va sans dire que la programmation ne pouvait qu’être une source de plaisirs multiples et variés : « C’est un nouvel être sur le point de naître et de faire ses premiers pas. Ce lieu s’ouvre comme une fleur bleue pour investiguer l’humain, pour devenir un endroit où la créativité peut s’épanouir, où les artistes peuvent se sentir chez eux, où tous les publics peuvent être touchés. De la musique ancienne à la création musicale en passant par la pop culture, toutes les formes les plus inattendues seront explorées ».

C’est d’ailleurs de façon très originale que le directeur présente la saison : plutôt que de suivre un agenda ou une thématique, il propose au public présent de tirer au sort des mots, qui sont en lien avec chaque production programmée. Nous suivrons donc nous aussi l’ordre que le hasard a établi, en commençant par « Tasso » pour Amour à mort, une création qui se tiendra du 11 au 15 mai 2024. Le spectacle, entre madrigal, opéra et intermède, reprend l’histoire de Tancrède et Clorinde mis en poème par Torquato Tasso dans La Jérusalem délivrée. Ce théâtre musical sera mis en scène par Jean-Yves Ruf, qui travaille pour l’occasion aussi avec les musiciens puisque l’orchestre participera à l’intrigue en plus des solistes : Mariana Flores, Sofie Garcia, Logan Lopez Gonzalez, Valerio Contaldo, Andreas Wolf, mais aussi Isabel Gonzalez-Sola (Clorinde) et Hugues Duchêne (Tancrède). Leonardo García Alarcón sera à la direction, et participera aussi en tant que compositeur en mêlant ses œuvres à d’autres et à des improvisations en écho à l’univers sonore de la pièce de Tasso.

« Jonglages » nous amène à Nos matins intérieurs, dernier spectacle de la saison en juin dans lequel est convié le Quatuor Debussy aux côtés du Collectif Petit Travers pour un spectacle insolite illustrant la question de l’individualité au sein du groupe. Ici, l’art du jonglage devient un bal, et les jongleurs et jongleuses accordent leurs mouvements avec la musique (de Purcell et Marc Mellits). De son côté, « Buenos Aires » se réfère à une autre création de la Cité Bleue, Ernest et Victoria, dans laquelle nous découvrirons la correspondance entre Olivia Ocampo et Ernest Ansermet, accompagnée d’oeuvres tirées du répertoire que le compositeur dirigeait à Buenos Aires. La comédienne Annie Dutoit-Argerich incarnera Victoria, et la baryton Diego Valentin Flores est lui aussi annoncé.

Le mot suivant ne fut pas simple à prononcer pour la personne qui l’a tiré au sort : « Supercalifragilisticexpialidocious », se référant bien entendu à la célèbre comédie musicale Mary Poppins mais aussi et surtout à son interprète indétrônable, Julie Andrews. En effet, Chasing Rainbows nous plongera dans cet univers de la comédie musicale. Conçu comme un hommage à l’âge d’or de ce genre, mais aussi à la célèbre interprète, l'ouvrage invitera le public à retrouver avec plaisir des airs qui ont pour beaucoup bercés son enfance, via La Mélodie du bonheur, Mary Poppins, Cendrillon, et bien d’autres. Pour interpréter ces chants, la mezzo-soprano Léa Desandre sera accompagnée de l’ensemble Jupiter et de Thomas Dunford.

Nous arrivons à « 1607 », qui lève enfin le voile sur la production donnée pour la réouverture officielle de la salle le 9 mars 2024, à savoir L’Orfeo de Monteverdi. Le directeur, qui dirigera naturellement l’œuvre, a souligné sa volonté que cet opéra marque la réouverture et « ouvre les portes vers l’avenir ». L’opéra sera donné en version de concert et mettra en avant Valerio Contaldo (Orfeo), Mariana Flores (Euridice), Giuseppina Bridelli (la messaggiera), Anna Reinhold (Proserpina, Speranza) ou encore Andreas Wolf (Plutone).

En avril 2024, la salle proposera « La Nuit bleue », une expérience originale, surprenante et attrayante, tout particulièrement pour les insomniaques puisqu’elle se déroulera du samedi 27 avril 19h30 au lendemain matin à 7h30 ! De nombreux artistes sont attendus, dont le Quatuor Modigliani, mais la majorité des noms demeurent inconnus afin de conserver la surprise jusqu’au bout. Plusieurs pauses seront prévues dans ce programme entre baroque, classique, jazz, tango, et musique contemporaine. Pour ce rendez-vous, Leonardo García Alarcón a convié Nelson Goerner, qui n’est pas un artiste anodin pour lui. En effet, lorsqu’il acheta sa première place de spectacle à Buenos Aires, au Teatro Colón, il s’agissait d’un récital de Nelson Goerner. Quelques surprises seront aussi prévues pour les artistes.

« Ouverture » fait pour sa part référence aux « Portes ouvertes » le lendemain de L’Orfeo afin de découvrir la Cité Bleue dans ses moindres recoins, tandis que « Colombie » renvoyait à Ma Colombine, proposée également en mars, mise en scène par Omar Porras dont l’histoire est à l’origine du spectacle. Il s’agit d’un solo théâtrale autobiographique mais aussi d’un conte magique « où l’on saute à la perche au-dessus de l’océan, où l’on converse avec la lune ». Par ailleurs, le directeur des lieux a glissé que la date du 21 mars sera une date importante chaque année à la Cité Bleue. « Printemps » se réfèrait au spectacle du même nom, avec les Percussions Claviers de Lyon et la Compagnie de danse La Vouivre pour une ode à la vie autour de la thématique de la mort et de la renaissance.
« Claviers », enfin, nous amène à la « Nuit des claviers » durant laquelle tous les claviers seront à l’honneur : clavecins, orgues, pianoforte, clavicordes… Le programme ne se restreindra pas lui non plus, mais il faudra patienter encore un peu pour en connaître les détails.

Une présentation de saison passionnante, mais avec un directeur tel que Leonardo García Alarcón, le contraire eût été étonnant. Ce dernier conclut la présentation en rappelant que Genève est un lieu d’accueil, dont il a pu bénéficier et dont il souhaite faire bénéficier à son tour les artistes et le public. Il ajoute qu’il est important de rappeler l’essentiel. Des mots simples qui ont une résonance forte en ces temps troublés.

Plus d’informations sont disponibles sur le site officiel de la Cité Bleue.

Elodie Martinez

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