Tannhäuser au cabaret à l’Opéra d’Etat de Vienne

Xl_tannhaueser_008_gubanova_ensemble-_c_-wiener-staatsoper---ashley-taylor---02 © Wiener Staatsoper / Ashley Taylor

Du 14 au 24 septembre, l’Opéra d'Etat de Vienne donne Tannhäuser de Wagner dans une production de la metteuse en scène américaine Lydia Steier. Les lyricophiles se souviennent encore de sa Salomé à l’Opéra Bastille ou de sa Femme sans ombre de Baden-Baden. Ils ne sont pas déçus ici non plus avec sa vision de la montagne de Venus en une sorte de cabaret géant de troisième zone, où il ne manque pas un ciel étoilé, pas un homme en résille, pas une femme en girl du Crazy Horse... Venus elle-même est une meneuse de revue descendant d’une Lune en strass.

Cette illustration kitch de l’amour, et par continuation de la libido, tout au long de l’opéra est sans doute le point faible de cette mise en scène, qui, sinon, ne manque pas d’intérêts. Les deuxième et troisième actes notamment – avec leur combinaison d’éléments tantôt modernes comme les costumes des convives, tantôt moyenâgeux comme ceux des trompettistes ou des concurrents du concours de chant – ont de quoi attirer l’attention. Nonobstant, le dernier acte laisse interrogatif avec ses hommes regardant des télévisions, pendant que Wolfram et Elisabeth s’embrassent. Mais c’est surtout le retour en force du kitch entourant la Venus du premier acte qui gêne par son goût douteux.

Clay Hilley (Tannhäuser) © Wiener Staatsoper / Michael Pöhn
Clay Hilley (Tannhäuser) © Wiener Staatsoper / Michael Pöhn

Fort heureusement, musicalement la soirée est globalement une réussite.

En commençant par les voix d’homme, le baryton allemand Martin Gantner, remplaçant Ludovic Tézier, ne démérite pas, loin de là. Gardant une voix claire, ouverte et apollinienne dans sa clarté sombre, le maintien d’une articulation parfaite et une émotion juste, il ne cesse jamais de donner un ton noble à son chant. On se souviendra de son air lors de ses retrouvailles avec Tannhäuser dans le premier acte « Gegrüßt sei uns, du kühner Sänger, der, ach! So lang’ in unsrer Mitte fehlt!“, de son air du deuxième acte lors du concours de chant « Blick’ ich umher in diesem edlen Kreise », et de l’ensemble de sa performance du troisième acte.

Le Landgraf de la basse allemande Georg Zeppenfeld séduit également par sa ressemblance avec Hans Hotter, sans en avoir les éclats de diamant noir, mais avec plus de clarté dans le timbre et une profondeur vocale voisine. Son deuxième acte est mémorable, avec son très beau « Gar viel und schön ward hier in dieser Halle ».

Les concurrents au concours de chant ne sont pas en reste, avec leur velouté sonore. Seul le ouaté du ténor autrichien Jörg Schneider y est malencontreux.

C’est néanmoins surtout le ténor américain Clay Hilley qui ne satisfait pas totalement. Bien que maitrisant un très bon allemand, il ne réussit pas bien à surmonter l’orchestre au premier acte, et va trop vite sur les fins de phrases dans ses envolées.

Camilla Nylund (Elisabeth) © Wiener Staatsoper / Michael Pöhn
Camilla Nylund (Elisabeth) © Wiener Staatsoper / Michael Pöhn

En ce qui concerne les voix féminines, il faut reconnaitre que l’Elisabeth de la soprano finlandaise Camilla Nylund donne complète satisfaction parmi les personnages principaux féminins. Non seulement sa voix reste claire et audible, y compris durant les forte de l’orchestre, mais son émotion ne semble jamais feinte. Son premier air dans la salle de bal, « Dich, teure Halle, grüß’ ich wieder », restera dans les mémoires, tout comme son dernier acte plein de tristesse. Malheureusement, la Vénus de la mezzo-soprano russe Ekaterina Gubanova peine à passer l’orchestre, voire pas du tout, et de ce fait, son chant a du mal à retransmettre une émotion.

Il faut aussi noter le chant frais, cristallin et léger de la soprano autrichienne Ilia Staple en jeune pâtre, notamment lors de son « Frau Holda kam aus dem Berg hervor ». L’une des perles de cette production.

La qualité des chœurs, toujours justes, sobres et dans une émotion contenue, ne manque jamais de saisir l’auditoire. Cette tessiture de bure correspond d’ailleurs à leur robe tenant de celles des moines des œuvres de Francisco de Zurbarán.

L’orchestre dirigé par le chef allemand Axel Kober, ne cessant jamais de progresser en qualité, est sans doute le triomphateur de la soirée. Si ses cuivres à l’ouverture semblent manquer de force, l’orchestre s’appuie sur ses flûtes et surtout sur ses cordes pour dynamiser la partition. La partition de Wagner tient toujours des poèmes symphoniques de Lizst, et des symphonies de Beethoven, piliers sur lesquels grandit l’orchestre dans ses harmonies entre les pupitres, et qui séduit ici aussi les amateurs.

Une très bonne soirée à l’Opéra de Vienne !

Andreas Rey
Vienne, 21 septembre 2025

Tannhäuser à l'Opéra d'Etat de Vienne, du 14 au 24 septembre 2025

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