Un Cosi fan tutte digne d'une grande maison d'opéra au Coliseu de Porto

Xl_cosi_fan_tutte_au_coliseu_de_porto © Emmanuel Andrieu

Le Portugal n’est pas une terre d’opéra. Seule sa capitale Lisbonne dispose d’une salle qui lui est dédié (le mythique Teatro Sao Carlos où se produisit jadis Maria Callas), tandis que Porto, la seconde ville du pays avec ses 1,5 millions d’habitants, doit se contenter d’une salle de concert consacrée au répertoire symphonique, la fameuse Casa da Musica imaginée par l’architecte star Rem Koolhaas. Cependant la Cidade Invicta (« la ville invaincue ») dispose d’un lieu pouvant accueillir des productions lyriques, le Coliseu do Porto, un théâtre « multispectacles » Art déco construit dans les années 30 dans le « style paquebot », d’une capacité de 3000 places, ce qui en fait une des plus grandes salles de spectacle d’Europe. Elle accueille parfois des productions de la célèbre institution lisboète, mais monte également elle-même des représentations lyriques, comme ici (en coproduction) avec la Orquestra classica do politécnico do Porto - la phalange symphonique se retrouvant bien évidemment en fosse.

Après un Cavalleria Rusticana donné en juin dernier, c'est cette fois l’un des titres-phares du Génie de Salzbourg qui est proposé au public portuan, Cosi fan tutte, dont la régie a été confiée à l’homme de théâtre lusitanien Antonio Duraes. Avec son scénographe Carlos Neves, ils ont imaginé un espace uniquement constitué de parois translucides, qui tantôt tombent des cintres, tantôt glissent pour cacher ou permettre la sortie de certains protagonistes. À l'exception de quelques tables et chaises, le plateau restera entièrement vide durant les deux actes donnés sans entracte (pour éviter les mouvements de foule dans cette gigantesque salle). Dès lors, tout le travail repose sur une direction d’acteurs fort judicieuse et pleine de détails qui font sens, et sur une utilisation prépondérante de projections vidéographiques. Si la plupart se bornent à être décoratives, certaines viennent soutenir l’action telle celle qui montre Don Alfonso aux côtés de Guglielmo, le premier obligeant le second à assister à la scène où sa promise se laisse séduire par son rival (photo).

Les deux sœurs Fiordiligi et Dorabella sont ici campées par les jeunes et ravissantes Marina Pacheco et Inês Constantino, mais les deux cantatrices ne sont pas que cela. La première, à l’aigu puissant et tranché, possède dans le timbre une vibration qui émeut. La seconde apporte à son personnage une émission sûre et une belle variété de couleurs. Le jeune ténor Joao Terleira campe un superbe Ferrando, clair d’émission et au timbre enchanteur, qui phrase à la corde le fameux air « Un aurora amorosa ». De son côté, par l’élégance du phrasé et une présence scénique affirmée sans rudesse excessive, Tiago Matos est plus que convaincant en Guglielmo. Distribuer Don Alfonso à un chanteur « expérimenté » est fréquent et Job Tomé tient bien le rôle, roublard et charmeur, timbre un peu usé mais ligne vocale impeccable. Enfin, Beatriz Maia est une Despina volubile et pétulante, qui ravit dans les ensembles grâce à son excellente projection, et qui délivre son aria « Una donna a quindici anni » avec beaucoup de panache.

Le chef portugais Césario Costa répond avec une direction musicale extrêmement théâtrale, privilégiant des tempi allants et flexibles, en cherchant constamment à mettre en valeur les détails du texte.

Un soirée mozartienne digne d’une grande maison d’opéra !

Emmanuel Andrieu

Cosi fan tutte de W. A. Mozart au Coliseu de Porto, le 4 septembre 2021

Crédit photographique © Emmanuel Andrieu

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