Tristan und Isolde à l'Opéra National du Rhin

Xl_tristan1 © Alain Kaiser

Les productions de Tristan und Isolde – dont on fête cette année les 150 ans de la création – se succèdent à un rythme soutenu dans l'hexagone : après le Capitole de Toulouse le mois passé, et avant l'Opéra National de Bordeaux dans quelques jours, c'est l'Opéra National du Rhin qui propose une nouvelle version du chef d'œuvre de Richard Wagner.

La proposition scénique du metteur en scène-décorateur-costumier britannique Antony Mc Donald échoue à donner une autre dimension à Tristan que celle d'un drame statique et somme toute fort conventionnel. La conception du premier acte pourrait certes être séduisante avec ses personnages amassés sur le pont d'un grand paquebot rouillé, mais si l'arrangement scénique flatte souvent l'œil – comme c'est à nouveau le cas, au III, avec la chambre lambrissée de Tristan dont les trois hautes baies ouvrent sur une mer étale -, il sombre néanmoins le plus souvent dans l'anecdotique. Cette production ne résoud aucun des difficiles problèmes posés par un véritable essai de mise en scène de Tristan, et ne possède guère comme mérite que de ne pas perturber une écoute qui se révèle d'un tout autre intérêt.

Tour à tour engagée, inquiète ou ironique, toujours passionnée et fière (mais sans histrionisme), la belle soprano allemande Melanie Diener est l'incontestable triomphatrice de la soirée, avec un chant expressif, de bout en bout contrôlé et sans efforts sur toute la tessiture, et surtout dans un émouvant Liebestod, d'une grande intériorité. Le ténor britannique Ian Storey – le Tristan de la fameuse production scaligère imaginée par le regretté Patrice Chéreau en 2007 – confirme qu'il est l'un des Tristan possible d'aujourd'hui. Les moyens sont impressionnants et les forces jusqu'au bout inépuisables, avec un aigu percutant et un beau timbre barytonant. Mais si le rôle est ainsi pleinement assuré, le chant reste cependant assez sommaire et pas toujours bien articulé.

De son côté, la mezzo sud-africaine Michelle Breedt incarne une Brangäne vibrante, dont le médium plein et grave chaleureux s'accompagnent d'un aigu triomphant. Déception, en revanche, avec Raimund Nolte qui n'a vraiment pas l'envergure de Kurwenal, surtout dans sa grande scène du III. Enfin, la basse coréenne Attila Jun comble lui toutes les attentes en composant un Roi Marke d'une profonde humanité.

Le chef allemand Axel Kober – directeur musical de la Deutsche Oper am Rhein – dirige un Orchestre Philharmonique de Strasbourg plutôt bien disposé avec un sens admirable du flux et du reflux wagnérien ; il a pourtant une fâcheuse tendance à couvrir ses chanteurs, dans ce théâtre dont la relative exiguïté fait sonner trop fort les instruments disposés en fosse, tandis qu'à d'autres moments (Finale du II) la tension dramatique fait cruellement défaut.

Emmanuel Andrieu

Tristan und Isolde à l'Opéra National du Rhin, jusqu'au 19 avril 2015

Crédit photographique © Alain Kaiser

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