Rayonnante Pretty Yende au Gstaad New Year Music Festival 2023

Xl_pretty_yende_en_r_cital___gstaad__c__patrizia_dietzi © Patricia Dietzi

Pour sa dix septième édition, le Gstaad New Year Music Festival a mis les petits plats dans les grands en invitant des formations baroques prestigieuses (Les Arts florissants, l’Orchestre royal de Versailles, l’Ensemble Almazis Iakovos Pappas) et des voix parmi les plus recherchées de notre temps (Roberto Alagna, Nadine Sierra, Catherine Trottmann...), grâce à différents donateurs dont la plus grande mécène actuelle du monde musical, Mme Aline Foriel-Destezet. Et c’est une carte blanche que l’infatigable princesse Caroline Murat, fondatrice et directrice artistique de la manifestation hivernale suisse, lui a offerte – car Mme Foriel-Destezet a non seulement financé les quatre concerts s’étendant du 2 au 5 janvier, mais avait surtout choisi elle-même les artistes, à l’instar de Pretty Yende pour la soirée du 4 janvier, accompagnée au piano par Vanessa Garcia Diepa.

C’est que la soprano sud-africaine avait déjà fait un tabac lors de la dernière édition, et que le public très huppé de Gstaad en redemandait, à tel point qu’il s’est retrouvé à l’étroit dans l’église de Saanen, pourtant la plus grande des diverses paroisses du Saanenland dans lesquelles se déroulent tous les concerts. Troquant les airs d’opéras belcantistes de son dernier récital in loco pour des Canzone italiennes, des Mélodies françaises et des Zarzuelas espagnoles, elle n’aura pas fait égale impression dans chacun de ces répertoires très différents les uns des autres. Apparaissant dans une superbe robe vaporeuse et colorée, à son image, Pretty Yende a aussitôt mis le public dans sa poche par la joie de vivre naturelle qui émane de sa personne, et dont les sourires sont aussi ravageurs que ses œillades malicieuses.

Dans les Canzone italiennes (« La Promessa » de Rossini ou « Vanne, a rosa fortunata » de Bellini), on retrouve toutes les qualités qui ont fait le succès de la chanteuse, l’amenant à se produire sur toutes les plus grandes scènes internationales : la beauté et la délicatesse du timbre bien sûr, le naturel et la sûreté de son registre aigu, et une technique vocale infaillible qui lui permettent de moduler sa voix, tour à tour puissante ou évanescente, jusqu’aux plus impalpables piani, qui ne manquent pas de faire courir une forte sensation le long de l’échine. Et ce plus encore dans les Tre Sonetti del Petrarco de Franz Liszt, dans lesquels elle envoûte par sa diction, y alternant douceur et intensité, apparaissant totalement immergée dans cette musique tantôt dramatique, tantôt méditative, qui paraît convenir idéalement à sa voix.

Las, c’est la déception qui nous gagne en revanche dans les Mélodies de Debussy (« Clair de lune », « Apparition », « Beau soir »…), pour l’essentiel incompréhensibles car la chanteuse ne maîtrise visiblement pas la langue de Molière, mais pire encore, elle commet une véritable faute de goût en délivrant ces pièces de porcelaines écrites par Mallarmé ou Verlaine parfois tutta forza, comme s’ils étaient des airs d’opéras, alors que seuls la délicatesse et le raffinement vocal peuvent leur rendre justice. Dommage.

Elle se rattrape avec les facétieuses et éblouissantes Zarzuelas de la troisième et dernière partie, où son tempérament de feu trouve mieux à s’exprimer et s’épanouir. Toutes issues de la main de Geronimo GimenezSierras de Granada », « Me llaman la primarosa »…), et elle n’a pas de mal à en exalter la sensualité ibérique dont elles sont pétries, avec des emportements de circonstance maintenus fermement, et une ligne de chant jamais prise en défaut.

Le public trépigne et en redemande mais la diva n’est pas d’humeur ce soir, et le laissera donc sur sa faim !

Emmanuel Andrieu

Récital de Pretty Yende au Gstaad New Year Music Festival, le 4 janvier 2023

Crédit photographique © Patricia Dietzi

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