Orfeo à l'Opéra national de Lorraine

Xl_l_orfeo_opera-national-lorraine__9_ © Opéra national de Lorraine

Après avoir été étrennée au Theater an der Wien en décembre 2011, cette production de l'Orfeo de Monteverdi, signée par Claus Guth, est à l'affiche de l'Opéra national de Lorraine. Cette reprise fait appel à une distribution entièrement remaniée, et son principal attrait réside - pour nous - dans l'arrivée au pupitre de Christophe Rousset qui conclue là – en compagnie de son ensemble Les Talens Lyriques – sa trilogie montéverdienne. Comme on s'y attendait, le chef français se révèle un sensible interprète du chef d'œuvre de Maître de Crémone, donnant à entendre une forme musicale naissante, qui se cherche et se trouve. Si l’audience est parfois happée par un véritable faste sonore, notamment lors des éclatantes interventions des cornets et des sacqueboutes, c’est avant tout la sensualité frémissante du continuo, ainsi que les affetti, les respirations et même les silences distillés par la battue délicate de Rousset, que nous retiendrons.

Nous garderons également en mémoire la régie de Claus Guth, déjà signataire in loco, en 2009, d'une bouleversante production scénique du Messie de Haendel. On retrouve l'univers sensible de l'homme de théâtre allemand qui fait d'Orphée un personnage profondément humain, notre contemporain, auquel le spectateur ne peut que s'identifier. Avec Eurydice, il habite dans une grande maison moderne et cossue, dans laquelle ils célèbrent leurs noces, avant que la fête ne vire à la tragédie, avec la mort brutale de l'héroïne. Dès lors, nous assistons à la descente aux enfers (au second degré) d'Orphée, qui se réfugie dans l'alcool et les médicaments pour anesthésier son chagrin et sa souffrance. A la fin du spectacle, il choisit de rejoindre sa bien aimée en se donnant la mort. Si la légende perd quelque peu de sa noblesse, cette transposition n'en est pas moins d'une incroyable force émotionnelle, et rarement le drame antique nous aura à ce point touché au fond du cœur.

Par ailleurs, l'équipe vocale réunie par Laurent Spielmann et Valérie Chevalier-Delacourfraîchement promue Directrice générale de l'Opéra Orchestre National de Montpellier – s'avère digne de tous les éloges, et a été accueillie, au rideau final, par une éclatante ovation. Dans le rôle-titre, le baryton transylvanien Gyula Orendt – déjà remarqué et apprécié in loco dans Cosi fan tutte la saison passée – campe un Orphée d'une probité exemplaire, qui sait parer son chant d'accents déchirants, rendant particulièrement crédibles les affres du héros de Thrace.

Un mois après qu'elle ait aussi retenue notre attention – cette fois à Montpellier dans l'Elena de Francesco Cavalli –, la soprano hongroise Emöke Barath incarne une très touchante Eurydice. Très vive sur scène, elle possède cette pointe de vibrato qui sied à la musique italienne, et qui nous change agréablement des voix blanches et atones que l'on nous impose trop souvent dans ce répertoire.

La prestation de la soprano catalane Carol Garcia - dans le triple rôle de La Musique, La Messagère et L'Espérance - a également soulevé notre enthousiasme ; il est vrai que son chant, émouvant et intense, et son timbre, ample et sonore, accroche derechef la sensibilité et l’oreille du spectateur. Nous n'oublierons pas de mentionner aussi le couple sensuel Pluton-Proserpine formé par Gianluca Buratto (également impressionnant Charon) et Elena Galitskaia, tandis que le baryton Damian Thantrey déçoit fortement dans le personnage d'Apollon. Quant au Chœur de l'Opéra national de Lorraine - auquel sont confiés les rôles des Bergers, Nymphes et autres Esprit-, il rivalise de séduction et de caractère.

Bref, un nouveau succès à mettre au crédit de l'Opéra national de Lorraine.

Emmanuel Andrieu

Orfeo à l'Opéra national de Lorraine

Crédit photographique © Opéra national de Lorraine

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