L'Opéra de Saint-Etienne ressuscite la Cendrillon de Nicolas Isouard

Xl_cendrillon © Cyrille Cauvet

Après avoir brillamment assuré la résurrection du Dante de Benjamin Godard en mars dernier, l’Opéra de Saint-Etienne - à nouveau en coproduction avec la Fondation Bru Zane-Centre de musique romantique française - propose la recréation de la toute aussi inédite Cendrillon de Nicolas Isouard, ouvrage créé à l’Opéra-Comique en 1810, mais que celui de Rossini éclipsera, dans la capitale française, douze ans plus tard. L’œuvre sera néanmoins reprise en 1845 avec une réorchestration d’Adolphe Adam, et c’est cette version qui est donnée à Saint-Etienne, bien que retranchée de ses chœurs et de quelques airs, afin de donner le spectacle (destiné à un public « familial ») sans entracte.

La production a également ceci d’originale qu’elle a fait appel - pour ce qui est de la fosse - à une Académie d’Orchestre issue du CRR de Saint-Etienne et du CRD du Puy en Velay, au total vingt-trois jeunes instrumentistes encadrés par dix-neuf solistes de la phalange maison, l’Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire. Préparée par Eric Varion, c’est Julien Chauvin qui dirige ici cette formation éphémère, avec le talent qu’on lui connaît. Il en obtient un résultat plus qu’honorable, parvenant à faire jaillir tout le charme de cette musique simple et légère, qui manifeste - de la part de son auteur - d’un rare talent de mélodiste.

Quelle joie de retrouver la talentueuse Anaïs Constans dans le rôle-titre (après sa virevoltante Marie de La Fille du régiment l’an dernier à Montpellier), pour une incarnation très sensible et sans afféteries de son personnage. Elle colore par ailleurs intelligemment sa voix selon les états d’âme de l’héroïne et en maîtrise les arcanes émotionnels. Ses deux chipies de sœurs - les sopranos Jeanne Crousaud (Clorinde) et Mercedes Arcuri (Tisbé) - ne sont pas en reste, et livrent chacune des exercices de pyrotechnie vocale (comme les appellent leurs parties…) tout à fait convaincants. Inénarrables se montrent les deux comédiens Jean-Paul Muel (Baron de Montefiascone) et Christophe Vandevelde (Dandini), mais les parties chantées sont en revanche heureusement rares… Jérôme Boutillier ne fait qu’une bouchée du précepteur Alidor auquel il prête sa voix pleine d’autorité, coulée dans le bronze, mais capable - pour autant - de nuances et de subtiles inflexions. Enfin, satisfecit total également pour le Prince Ramiro du jeune ténor allemand (d’origine italienne) Riccardo Romeo, au style impeccable et au timbre plein de charme.

Quant à la proposition scénique de Marc Paquien, homme issu du théâtre, elle est d’une simplicité totale et pour autant emplie de poésie. Il truffe sa mis en scène d’instants magiques et touchants, comme ces fauteuils-citrouilles qui élèvent les protagonistes dans les airs, ou ce balais animé d’une vie propre, tout comme la baguette magique d’Alidor qui apparaît ou disparaît comme par enchantement. La scénographie efficace d’Emmanuel Clolus - une tournette sur laquelle est posée une structure figurant tour à tour le château du Baron, le Palais du Prince ou la cheminée-refuge de Cendrillon ! - est parfaitement secondée par les costumes excentriques et bariolés de Claire Risterucci, de même que les lumières de Dominique Bruguière installent avec beaucoup d’efficacité, et surtout d’onirisme, les différentes atmosphères véhiculées par la partition.

Le succès est au rendez-vous et le public venu en masse (et mêlant toutes les générations) applaudit à tout rompre au moment des saluts.


Emmanuel Andrieu

Cendrillon de Nicolas Isouard à l’Opéra de Saint-Etienne (mai 2019)

Crédit photographique © Cyrille Cauvet
 

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