L'Elisir d'amore célèbre la réouverture du Teatro Donizetti de Bergame

Xl_l_elisir_d_amore_au_teatro_donizetti_de_bergame © Gianfranco Rota

Cette année, le Festival Donizetti de Bergame coïncide avec la réouverture du Teatro Donizetti, la ville lombarde vouant un vrai culte à son plus illustre enfant. Après plus de trois ans de travaux, le majestueux théâtre, sis dans la ville basse (la ville haute possède un autre théâtre), a retrouvé ses ors et surtout une machinerie ultra-moderne. A contrario d’une coutume pourtant bien établie lors de ce festival, pas de résurrection d’œuvres oubliées du compositeur bergamasque en cette édition 2021, mais la représentation de deux de ses plus grands succès : La Fille du régiment (à laquelle nous n’avons malheureusement pu assister qu’à la deuxième partie…) et L’Elixir d’amour.

Et c’est à une vraie représentation participative que l’on assiste car le metteur en scène britannique Frederic Wake-Walker a imaginé tout un scenario qu'un maître de cérémonie (l'acteur argentin Manuel Ferreira) vient exposer au public (auquel on a distribué de petits fanions au moment d’entrer en salle) avant le début du spectacle. Comme il l’explique, en mêlant langue vernaculaire et anglais, il s’agira de chanter la strophe entonnée par le chœur au début du deuxième acte (« Cantiamo, facciam brindisi »), un des passages les plus enjoués de la partition, en agitant les petits drapeaux. Dans cette ville qui fut la première et la plus durement touchée du continent européen par l’épidémie de Covid-19, l’idée a force de symbole : celui du retour à la vie et du plaisir partagé. Pour le reste, la mise en scène est tout ce qu’il y a de plus conventionnelle, avec sa scénographie unique (due à Federica Paolini) qui représente la façade du Teatro Donizetti et de la place à colonnades qui lui fait face. Le chœur et les interprètes sont habillés de vêtements modernes (dessinés par Daniela Cernigliaro), plutôt ternes, tandis que les protagonistes ont droit à des costumes colorés, tandis que les mouvements évoquent le théâtre de marionnettes dont une représentation a d’ailleurs lieu pendant la barcarole chantée par Adina et Dulcamara au deuxième acte.

Dépeint en idiot du village, avec une figure de clown triste, le Nemorino de Javier Camarena s’avère une réussite. Le ténor mexicain nous fait cadeau de sa ligne de chant souveraine, avec un art inouï dans la maîtrise de l'allègement, des nuances et de la demi-teinte. Et s’il n’est pas réputé pour être un acteur hors-pair, son jeu un peu gauche entre ici en parfaite adéquation avec son personnage. Pour autant, la révélation de la soirée n’est pas la star belcantiste mais une parfaite inconnue, la toute jeune soprano lombarde Caterina Sala... âgée de 21 ans seulement ! Elle incarne une Adina parfaitement en situation, avec une aisance scénique et une technique vocale assez bluffante au vu de son âge et de son inexpérience des planches. Le timbre n’est pas remarquable en soi, mais l’homogénéité de l’émission, la facilité dans l’aigu et l’aisance dans les vocalises séduisent. Elle obtient un triomphe après son air final qui bénéficie ici d’une variation que Donizetti avait écrite spécialement à l’intention de la soprano Fanny Tacchinardi pour une reprise parisienne de l’ouvrage.
Dulcamara est une prise de rôle pour le baryton italien Roberto Frontali qui, s’il ne possède pas la diction syllabique éblouissante de certains de ses collègues buffo (ce qu’il n’est pas…), a suffisamment de métier pour rendre intensément « présent » son personnage. De son côté, notre baryton national (pour ce répertoire) Florian Sempey brille en Belcore, tant par son jeu comme toujours épatant que par sa réelle aisance dans les vocalises, sa belle élégance dans le phrasé et son timbre vibrant. Enfin, Anais Mejias prête à Giannetta une (belle) voix plus corsée que de coutume dans cet emploi.

Directeur musical de la manifestation lombarde, le chef italien Riccardo Frizza a opté pour une version complète de la partition de Gaetano Donizetti, telle qu’établie par le regretté Alberto Zedda, et avec des instruments d’époque sur lesquels jouent la formation Gli Originali, avec notamment une harpe Erard de 1811 et un pianoforte de 1796 qui apportent une douceur et une chaleur inhabituelles à nos oreilles dans cet ouvrage. Ce n’est pas un des moindres bonheurs et surprises de la soirée !

Emmanuel Andrieu

L’Elisir d’amore de Gaetano Donizetti au Festival Donizetti de Bergame, le 28 novembre 2021

Crédit photographique © Gianfranco Rota

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