Le Vaisseau fantôme à l'Opéra national de Lyon

Xl_vaisseau © Jean-Louis Fernandez

Signataire in loco d'un des plus beaux Tristan que nous ayons jamais vus, Alex Olllé et son équipe - issus de la fameuse Fura dels Baus - reviennent à l'Opéra national de Lyon, pour mettre en images un autre ouvrage de Wagner : Der Fliegende Holländer (Le Vaisseau fantôme). Un cran en deçà de la réalisation précitée, les trublions catalans – notamment Alfons Flores pour les décors et Franc Aleu pour les vidéos – offrent néanmoins un intéressant spectacle, où s'interpénètrent images esthétiques - d'une beauté parfois époustouflantes - et pensée politique. L'action est transposée à Chittagong, cette ville du Bengladesh où viennent s'échouer les navires en fin de vie, que les locaux – véritables esclaves des temps modernes - désossent pièce par pièce. C'est ce qu'il advient, au II, à l'immense vaisseau rouillé du Hollandais, dont la proue se perd dans les cintres, mais qui apparaît dès le lever du rideau, tandis que de saisissantes projections vidéos offrent au regard des spectateurs la vision très réaliste d'une mer déchaînée et d'un ciel strié d'éclairs. C'est sur cette même superbe image que se termine la soirée, tandis que l'héroïne – dans son délire sacrificiel - est engloutie par les flots.

La distribution convainc presque sans réserves. Kazuchi Ono dégraisse au maximum le commentaire orchestral et obtient d'instrumentistes parfois un brin distraits en cette soirée de Première, un accompagnement riche en tensions intérieures et en contrastes brutaux : le trait n'est cependant jamais appuyé, car le chef japonais rend à la partition les couleurs acides et les rugosités mordantes chères à un jeune compositeur encore à la recherche de son style.

La soprano polonaise Magdalena Anna Hoffmann incarne une Senta plutôt fragile, avec un timbre peu séduisant ; vocalement à la peine dans la Ballade, notamment dans la phrase musicale caressante évoquant la rédemption de l'éternel voyageur, elle gagne pourtant en assurance au cours de la soirée pour imposer finalement, un avec un certain éclat, cette figure de femme-enfant, prisonnière de ses fantasmes. Le Hollandais de Simon Neal dispose lui aussi d'un timbre plutôt léger - néanmoins autrement plus beau et riche en harmoniques que sa consœur -, mais la maîtrise du souffle et la précision de l'intonation lui permettent de débarrasser le rôle de cette uniforme noirceur que nombre d'interprètes lui imposent trop souvent. 

Hollandais acclamé sur les plus grandes scènes internationale, Falk Strukmann revêt cette fois les habits de Daland - avec un égal bonheur. Empli de bonhommie autant que de rouerie, son personnage bénéficie de la vocalité irréprochable, à la fois solide et sonore, du célèbre baryton allemand. De son côté, le jeune ténor croate Tomislav Muzek est un Erik vocalement juvénile et passionné, qui ravit tant par son phrasé impulsif que par l'aisance et la chaleur de son registre aigu, tandis que le ténor canadien Luc Robert campe un Pilote au chant magnifiquement rêveur, et que la mezzo franco-suisse Eve-Maud Hubeaux incarne une Mary à la présence et à la solidité de chant remarquables.

Mais comme souvent à Lyon, c'est le somptueux Chœur de l'Opéra National de Lyon qui emporte le plus l'adhésion : il se hisse ce soir encore au rang de personnage principal tant par l'intelligence du jeu scénique que par la maîtrise impeccable de l'écriture complexe de ses interventions. Mille Bravi à lui !

Emmanuel Andrieu

Le Vaisseau fantôme à l'Opéra national de Lyon, jusqu'au 26 octobre 2014

Crédit photographique © Jean-Louis Fernandez

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