Le Roi d'Ys d'Edouard Lalo à l'Opéra de Marseille

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Rarement représenté sur scène, Le Roi d'Ys d'Edouard Lalo est un opéra à base d'amour, de jalousie et de surnaturel, qui s'inspire d'une ancienne légende bretonne. Deux couples s'y affrontent, un angélique (Rozenn et Mylio) et un maléfique (Margared et Karnac), qui font inmanquablement penser au quatuor iamginé par Wagner pour son Lohengrin. La jalousie de Margared (également éprise de Mylio) envers sa soeur l'entraîne à organiser l'engloutissement de sa cité, mais l'intervention surnaturelle de Saint protecteur de la ville empêche la catastrophe.

Ouvrage hybride et saisissant, Le Roi d'Ys mêle des pages lyriques et poétiques à des scènes plus puissantes et fortes, au dramatisme appuyé, presque exacerbé. A la célèbre aubade « Vainement ma bien aimée », page légendaire et surtout charmante, répond l'air splendide et tout d'emportement de Margared, « Lorsque j'ai vu soudain », soutenu par un orchestre d'une rare expressivité. L'ouvrage repose ainsi sur des données quelquefois antagonistes et souvent dissemblables, et pourtant, loin d'en pâtir, il emporte l'adhésion par sa force de conviction, ainsi que par sa réelle et tangible originalité. Mais il nécéssite aussi un cénacle de chanteurs possédant ces mêmes caractéristiques, ces mêmes qualités spécifiques, ainsi qu'une grande solidité.

Pas de souci à ce niveau là avec le ténor messin Florian Laconi qui impressionne – dans un rôle marqué à jamais par Alain Vanzo – par la puissance de la projection, mais aussi par la clarté de son émission, et la beauté de ses messe di voce. Cela nous vaut une ballade de Mylio digne de tous les éloges, un authentique témoignage de style français accompli.

Chanteuse chouchou de la maison massilienne, Béatrice Uria-Monzon est une Margared tout aussi intelligible (on a parfois regretté la diction de la mezzo-soprano française), faisant fi d'une tessiture particulièrement tendue grâce à des aigus souverainement projetés, et prête surtout à son personnage ce rayonnement naturel, cette forte présence qui ont toujours été les siens. La superbe Inva Mula offre à Rozenn la sensibilité qu'on lui connaît, grâce à la fraîcheur et à la transparence de sa voix, qui nous gratifie au passage de quelques notes filées de toute beauté.

Le baryton Philippe Rouillon convainc dans le rôle du sombre Karnac – diction exemplaire et incontestable autorité vocale – mais le chanteur, emporté par sa générosité, force quelque peu ses moyens à l'acte III. Enfin, Nicolas Courjal apporte au Roi les ressources d'un métier maintenant solide, et continue d'impressionner par l'ampleur des moyens.

A la tête de la phalange maison dont il est le directeur musical, l'américain Lawrence Foster semble visiblement inspiré par cette musique qu'il défend avec beaucoup d'ardeur, et dont il fait admirablement ressortir la filiation berliozienne, plutôt que les influences wagnériennnes.

L'Opéra de Marseille reprend la production signée par Jean-Louis Pichon - initialement montée à Saint-Etienne (2007), puis reprise à Liége (2009) -, dont les intentions, telles que notées sur le programmme, semblaient séduisantes. Comment ne pas partager son souci de concision et de rigueur ? On admet volontiers ce parti pris d'un monde clos, ceint par de hautes et oppressantes falaises de basalt, sorte de nasse où l'on sent la menace d'un océan que l'on ne verra cependant jamais, l'inondation de la mythique cité étant ici suggérée par une simple pluie tombant des cintres... Le côté spectaculaire de la scène finale tombe ainsi à plat, mais il y a plus grave, les acteurs principaux restant livrés à eux-même la soirée durant, sans direction apparente, gesticulant n'importe comment. Ce gros bémol n'enlève cependant rien à l'intérêt qu'il y a aujourd'hui à monter Le Roi d'Ys, même si, on le voit, la tâche n'est pas des plus faciles.

Emmanuel Andrieu

Le Roi d'Ys à l'Opéra de Marseille

Crédit photographique © Christian Dresse

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