L'Auberge du cheval blanc de Benatzky pour les Fêtes à l'Opéra de Marseille

Xl_l_auberge_du_cheval_blanc___l_op_ra_de_marseille © Christian Dresse

Pour les fêtes de fin d’années et jusqu'au 4 janvier, l’Opéra de Marseille reprend une production de L’Auberge du Cheval Blanc de Ralph Benatzky, étrennée l’an passé à l’Opéra de Lausanne. Cette opérette – synthèse réussie entre l’opérette viennoise, le folklore tyrolien et le cabaret berlinois – a eu beaucoup de succès à sa création, en 1930 à Berlin, puis à Paris à partir de 1932 où le Théâtre du Châtelet l’a mise à son affiche pas moins plus de 1700 fois ! Et certains airs étant de véritables tubes, comme l’inénarrable « On a le béguin pour Célestin ! ». L’ouvrage bénéficie d’autant d’égards que les autres opéras donnés dans cette maison, le spectacle, pétillant à souhait, présentant d’incontestables qualités, notamment celle de ne jamais se montrer ni vulgaire ni trop kitsch. L’intrigue tient en quelques lignes : dans l’auberge d’un petit village du Tyrol, Léopold, le maître d’hôtel, est amoureux de Josépha, la patronne du Cheval Blanc, laquelle s’est entichée de l’un de ses fidèles clients, l’avocat parisien Guy Florès. Mais ce petit monde est chamboulé par l’arrivée de deux Marseillais, Napoléon Bistagne et sa fille Sylvabelle.

Tout en finesse, la mise en scène de Gilles Rico s’assure qu’il se déroule toujours quelque chose dans le hall de l’établissement. Poétiquement années 30, le décor Art Déco de Bruno de Lavenère baigne dans une lumière très étudiée de David Debrinay. Les costumes de Karolina Luisoni apportent des couleurs variées et contextualisées, de même que les vidéos d’Etienne Guiol qui sont autant d’hommages aux films muets en noir et blanc d’époque. Et le public ne peut que s’amuser de ces amours naissantes, entre des personnages amusants et hauts en couleurs, tel ce Napoléon Bistagne à l’accent marseillais à couper au couteau, ou la rencontre entre ce dernier et l’Empereur d’Autriche, qui s’avère des plus cocasses. Maîtresse de cérémonie de la soirée, Barbara Klossner, bas résilles et accordéon en mains, apprend au public à chanter les fameux « Yodels » en alternant l’utilisation de la voix de poitrine et la voix de tête.

La production réunit par ailleurs des chanteurs et des comédiens motivés, sous la direction légère et enlevée de Didier Benetti, grand spécialiste de ce répertoire. Le chef retrouve un Orchestre de l’Opéra de Marseille en formation relativement réduite, mais aussi précis et subtil que de coutume. Bien connue du public marseillais, et toujours aussi ravissante, Laurence Janot n’a plus rien à prouver dans ce répertoire depuis longtemps. La voix possède peu de moelleux mais elle convient pour interpréter la patronne Josépha. Le jeune ténor Léo Vermot-Desroches se montre épatant en Léopold, tant vocalement que scéniquement, sans chercher à imiter Bourvil ou Fernand Sardou qui se sont illustrés aavant lui dans le rôle du maître d’hôtel. On retient aussi la Sylvabelle pleine de peps et de fraicheur de Clémentine Bourgoin, tandis que son père, l’impayable Napoléon Bistagne du baryton nîmois Marc Barrard, s'avère le principal ressort comique de la production, avec les nombreuses saillies qui lui sont dévolues (« L'hymne national est la Marseillaise, pas la Parisienne ! »). Le rôle de l'Empereur - qui aime ici à se travestir en vamp - est un vrai tour de force accompli par l’excellent acteur qu’est Francis Dudziak. De son côté, Samy Camps campe l’avocat Florès, au charme duquel Josépha n’est pas insensible. Ténor séduisant, et séducteur, il est vocalement très engagé et son chant, comme son jeu, s’accordent parfaitement à son personnage. Enfin, Guillaume Paire incarne avec talent ce jeune arriviste frimeur de Célestin Cubisol, parvenant à déniaiser Clara (Julie Morgane).

Autre vertu de ce spectacle et non des moindres : chacun accorde de l’importance à la prononciation française, à tel point que les sous-titres se révèlent superflus. Bref, le public est sorti ragaillardi de ce spectacle aussi trépidant que réjouissant !

Emmanuel Andrieu

L’Auberge du cheval blanc de Ralph Benatzky à l’Opéra de Marseille, jusqu’au 4 janvier 2023

Crédit photographique © Christian Dresse

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