La Grande Duchesse de Gérolstein à l'Opéra Royal de Wallonie

Xl_duchesse © Opéra Royal de Wallonie

Pour les fêtes de fin d'année, l'Opéra Royal de Wallonie - et son directeur Stefano Mazzonis di Pralafera qui met lui-même en scène cette nouvelle production - propose une version de La Grande-Duchesse de Gérolstein de Jacques Offenbach actualisée – et pour tout dire culinaire - du brûlot antimilitariste que composa le « Mozart des Champs-Elysées » pour le Théâtre des Variétés en 1867. Il transforme ainsi la Grande-Duchesse du livret en une patronne de restaurant gastronomique, et la guerre des généraux se mue en guerre de chefs de cuisine, ces derniers s’affrontant - au début du spectacle - devant des caméras de télévision !

Dans ses notes d'intention, Mazzonis justifie sa transposition : « La terminologie militaire du livret original peut faire penser à celle utilisée dans les cuisines des grands restaurants, la hiérarchie militaire étant comparable à la « brigade de cuisine » ! C’est donc à une guerre des chefs, façon « Masterchef » que nous convie cette Grande-Duchesse de Gerolstein ». Il explique encore : « Quand j’ai accepté la mise en scène de La Grande-Duchesse, je me suis demandé s’il était opportun de se moquer d’un sujet grave, la guerre, en ces temps difficiles. Ni la Première guerre mondiale, dont on vient de fêter l’armistice il y a quelques semaines, ni la Seconde, ni aucune d’entre elles, ne sont des sujets amusants pour un spectacle de fin d’année ». Nous avons trouvé que la transposition fonctionnait plutôt bien (malgré les libertés prises avec le texte original), et nous avouerons avoir ri de bon cœur. On déplorera cependant deux ou trois petites choses... D'abord, que ce soit la version la plus courante de l’œuvre qui ait été retenue, plutôt que la version doriginelle, récemment reconstituée par Jean-Christophe Keck. Ensuite que l'homme de théâtre italien en fasse souvent trop : de nombreux calembours et gags sont - il faut bien le dire - à la limite du bon goût. Enfin le rajout (racoleur) du cancan d'Orphée aux enfers à la fin de l'ouvrage, ce qui nous est apparu bien hors propos...

Montée à sa demande - et donc à son intention -, la célèbre mezzo italienne Sonia Ganassi a finalement déclaré forfait la veille du début des répétitions, mettant la direction dans l'embarras, toutes les « spécialistes » du rôle de la Grande-Duchesse étant déjà sollicitées ailleurs. C'est finalement un double cast qu'a pu trouver Stefano Mazzonis di Pralafera, et les représentations liégeoises ont ainsi été assurées par Patricia Fernandez (que nous avons entendu) et Alexise Yerna. Force est de constater que la mezzo d'origine espagnole, malgré un évident savoir-faire, n'a pas l'élégance des plus grandes, qui savent faire poindre une secrète émotion dans les moments les plus drôles. Par ailleurs, la voix sonne souvent difficile dans l'aigu, prudente dans le grave, et la diction manque parfois de clarté.

Le jeune et prometteur ténor rémois Sébastien Droy, en superbe forme vocale, campe un Fritz plus vrai que nature, fanfaron et niais certes, mais fort attachant : un vent de fraîcheur au sein d'une cour toute bruissante d'intrigues et de rivalités. Dotée d'une voix fraîche et fruitée, la soprano belge Sophie Junker croque un portrait tout en finesse de Wanda, la fiancée ballottée par les événements. Lionel Lhote est un Général Boum de luxe, tout de fausse droiture, quand Patrick Delcour dessine, de son côté, un Puck presque poisseux d'ambitions affichées et de pernicieux calculs. Eric Huchet incarne un Prince Paul falot et impatient, tandis que Jean-Philippe Corre campe un Népomuc efficace. Les quatre derniers chanteurs cités forment un quarteron de conspirateurs des plus réalistes. Mentionnons, pour finir, le Baron Grog (rebaptisé Redbul !) tentateur du baryton belge Roger Joakim.

Sans complexe aucun, la distribution réunie à Liège se joue de la comédie avec un entrain communicatif et fait mentir l'adage selon lequel les chanteurs d'opéra s'acclimatent mal au genre de l'opérette. Et comment bouder son plaisir - malgré la relative déception suscitée par le rôle-titre - à entendre les airs d'Offenbach entonnés par des voix puissantes, claires et aptes à maîtriser tous les traquenards d'une écriture moins simple qu'il n'y paraît à première écoute..

A la tête de l'Orchestre Royal de Wallonie (et ses Chœurs), le jeune chef liégeois Cyril Englebert parvient à restituer à la musique d'Offenbach toute sa dynamique et sa fraîcheur. Il lui confère surtout une ligne généreuse idéal, riche de rebondissements et de palpitations. Le public n'a pas boudé son plaisir, et il a fait un triomphe à l'ensemble de l'équipe artistique.

Emmanuel Andrieu

La Grande-Duchesse de Gérolstein à l'Opéra Royal de Wallonie - Jusqu'au 31 décembre 2013

 

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