La Flûte enchantée à l'Opéra de Vichy

Xl_flute4 © Cédric Carmié

Pour son titre estival annuel, l'Opéra de Vichy a opté pour La Flûte enchantée de Mozart, dans une production importée de Lausanne, imaginée par feu Pet Halmen, et reprise ici par Eric Vigié. La scénographie prend comme point de départ l'incendie qui ravagea la bibliothèque Anna-Amalia de Weimar en 2004, dans lequel périt une première édition de la partition de Mozart ainsi que de nombreux croquis de Goethe, personnage emblématique de l'histoire culturelle allemande auquel Sarastro emprunte poses et perruque. La grande salle de la bibliothèque est le lieu de toute l'action, montrée tantôt pleine de livres et d'un blanc immaculé (univers lumineux de Sarastro, du bien et de la connaissance) ou au contraire vide et calcinée (renvoyant à l'obscurantisme de la Reine de Nuit). Une vision manichéenne du chef d'œuvre de Mozart, où les belles images ne manquent certes pas, mais dont les partis pris peuvent néanmoins dérouter le spectateur néophyte...

Musicalement, les sources de plaisir sont nombreuses. Le jeune chef espagnol Roberto Forés Veses – à la tête de son excellent Orchestre d'Auvergne – dirige un Mozart riche en oppositions ; les nombreux coups de théâtre sont mis en valeur, sans qu'une crainte infondée de la surcharge sonore ne vienne troubler son approche toute d'aspérités et de violence contenues. Il serait difficile d'imaginer un accompagnement orchestral plus approprié à chacune des atmosphères particulières de cette fascinante mosaïque musicale.

La distribution est d'une cohésion remarquable. Au lendemain de notre rencontre avec ce chanteur d'exception, Nicolas Courjal convainc pleinement dans sa prise de rôle de Sarastro (il chante aussi la partie de l'Orateur), et continue d'impressionner par la somptuosité du timbre et la noblesse de la ligne. La soprano turque Burcu Uyar fait étalage de ses ressources acrobatiques de sa technique dans le portrait d'une Reine de la Nuit plus affirmée et vindicative que de coutume.

Le Tamino du ténor américain Shawn Mathey allie l'élégance d'un phrasé presque rêveur à l'impétuosité de la jeunesse. Avec son soprano déjà large, la soprano coréenne Yun Jung Choi (pour Rafaella Milanesi initialement annoncée) réussit à intégrer la vision d'une Pamina ne s'en laissant pas compter. La jeune soprano française Camille Poul témoigne d'une belle rigueur stylistique en Papagena et dessine en quelques notes un portrait touchant de son personnage, quand Benoît Arnould attire, de son côté, toutes les sympathies avec son Papageno bon enfant.

Aux côtés de Trois Dames de qualité (Maria Hinojosa Montenegro, Eleonora de la Pena et Mélodie Ruvio), on retrouve le superbe ténor français Cyril Auvity qui offre un Monostatos intelligemment nuancé. Les trois enfants de la Maîtrise du Conseil Général de La Loire, avec leurs voix vertes mais de projection parfaite, méritent enfin une mention, tandis que le Chœur Lyrique Saint-Etienne Loire fait preuve d'une belle autorité dans ses courtes interventions.

Le spectacle est triomphalement accueilli en cette soirée de Première.

Emmanuel Andrieu

La Flûte enchantée à l'Opéra de Vichy - Les 19 & 21 septembre 2014

Crédit photographique © Stephen Martinez

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