La Damnation de Faust au Festival de Pâques de Baden-Baden : le triomphe de Joyce DiDonato

Xl_faust © Monika Ritterhaus

Après l'extraordinaire soirée d'opéra qu'avait constituée, trois jours plus tôt, la troisième représentation du Chevalier à la Rose de Richard Strauss, c'est avec fébrilité que nous attendions la deuxième (et dernière) exécution, en simple version de concert cette fois, de la célèbre légende dramatique d'Hector Berlioz : La Damnation de Faust. Comme pour Rosenkavalier, le Festpielhaus a pu réunir une véritable brochette de stars pour défendre le chef d'œuvre de Berlioz : Charles Castronovo (Faust), Joyce DiDonato (Marguerite), Ludovic Tézier (Méphistophélès), Edwin Crosslley-Mercer (Brander) - et bien sûr le Philharmonique de Berlin pour servir à nouveau d'écrin à ces grandes voix.

Le bonheur est ainsi d'abord dans la fosse où Sir Simon Rattle mène son affaire avec conviction et délicatesse : l'étrange beauté de l'alto, la sensualité du cor anglais, la flamme qui crépite à tout moment dans l'orchestre, la « verve irrésistible » et la « fougue réglée » réclamées par Berlioz, toutes ces composantes sont bel et bien présentes ce soir.

Dans le rôle-titre, Charles Castronovo – entendu dans le Faust de Gounod in loco l'an passé (lors du Festival de Pentecôte) – retrouve un de ses rôles de prédilection. Le ténor américain excelle cependant plus dans la légèreté que dans la puissance, et il s'avère ainsi plus convaincant dans les aigus en voix de tête du duo avec Marguerite, abordés avec une infinie douceur, que dans la large déclamation de la célèbre Invocation à la Nature. Il n'en est pas moins l'un des titulaires les plus plausibles du rôle, en attendant d'y entendre Jonas Kaufmann à l'Opéra Bastille à l'automne prochain...

Apparaissant sur scène dans une magnifique robe d'un vert émeraude (photo), la grande Joyce DiDonato offre une Marguerite comme on l'attendait : sensuelle, ardente, d'une superbe ampleur, graduant avec soin son abandon dans sa romance du IV. Ses « hélas ! » qui concluent le sublime « D'amour l'ardente flamme » donnent le frisson (et font même monter les larmes de certains...) : c'est un triomphe aussi incroyable que mérité qu'elle récolte au moment des saluts.

De son côté, notre baryton national Ludovic Tézier chante un Méphisophélès d'une suprême élégance et au phrasé majestueux (sa berceuse « Voici des roses » s'avère admirable de maîtrise) : il propose de son personnage une combinaison idéale de suavité et de noirceur. Enfin, le baryton français Edwin Crossley-Mercer donne l'impression d'être un peu trop couvert par l'orchestre et les chœurs.

Ces derniers – ceux conjugués de l'Opéra de Stuttgart et du Philharmonia de Vienne – sont superbes d'éclat et d'homogénéité, le chœur d'enfants se montrant lui époustouflant de justesse et surtout d'une stupéfiante charge émotive. Enfin, détail qui n'en est pas un, la qualité de la diction de chacun des solistes – comme des choristes - n'est pas l'un des moindres des atouts de cette Damnation qui restera indubitablement dans les mémoires de ceux qui ont eu la chance d'y assister.

Notons que l'an prochain (lors du Festival de Pentecôte), le Festspielhaus terminera sa trilogie faustienne en proposant le Mefistofele d'Arrigo Boito, avec à nouveau Charles Castronovo en Faust, Erwin Schrott en Méphistophélès et Alexandrina Pendatchanska dans le rôle de Marguerite. 

Emmanuel Andrieu

La Damnation de Faust au Festival de Pâques de Baden-Baden, le 5 avril 2015

Crédit photographique © Monika Ritterhaus
 

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