Jonas Kaufmann en récital au Festival de Castell Peralada

Xl_jonas © Gregor Hohenberg

Trois jours après nous avoir fait faux bond dans La Forza del Destino au Festival de Munich, à notre grande déception, c'est à celui de Castell Peralada, en Catalogne, que Jonas Kaufmann - le ténor N°1 de sa génération - nous a régalé.

La première partie de programme fait la part belle au répertoire italien et français, avec des Airs et Ouvertures de Verdi et Massenet. Ce qui frappe d'emblée, quand il entonne l'air « Io l'ho perduta » tiré du Don Carlo de Verdi – et plus encore dans celui que nous attendions avec fébrilité à Munich, le sublime « La vità è un inferno » -, c'est sa posture uniquement concentrée sur l'intériorité musicale du chant, sans trace d'esbrouffe ou d'excès pathétique, que privilégient pourtant nombre de ses collègues ; ce qui nuit nullement, quand la partition l'exige, à l'expressivité ardente et fiévreuse, néanmoins toujours au service du mot, qu'il confère ensuite par exemple au « Ah si, ben mio », issu du Trouvère de Verdi. Son style flexible et sincère, sa virilité sombre et subtile font merveille dans un autre air magnifique, le fameux « O souverain, ô juge, ô père », tiré du Cid de Massenet. Une incroyable ovation vient couronner cette première partie, et un premier « gracias ! », lancé par un spectateur enthousiaste, dit déjà l'émotion et la ferveur générées par le ténor allemand.

La seconde partie est entièrement consacrée à Wagner, répertoire dans lequel Kaufmann – avec Klaus Florian Vogt - n'a pas de rival aujourd'hui. Les auditeurs se délectent à nouveau de son timbre immédiatement reconnaissable, ainsi que de son art consommé de la couleur et des nuances, et plus encore de ces notes émises en voix mixte, sur le fil, qui sont comme sa carte de visite. Après un « Ein Schwert verhiess » étourdissant (La Walkyrie), il entonne deux des superbes Wesendonck lieder, « Schmerzen » et « Träume », qu'il délivre sans artifice, comme s'il nous racontait une histoire, comme si c'était la chose la plus aisée au monde, comme s'il les sussurait à un intime avec qui il veut partager ses plus profondes émotions. Il clôt cette seconde partie avec le déchirant « Amfortas ! Die Wunde ! » (Parsifal), d'une douleur et d'une expressivité telles que plusieurs secondes ont été nécessaires avant que le public, bouleversé, ne laisse éclater son bonheur.

Il faut également saluer la prestation sans faille de l'Orchestre de Cadaqués, sous la baguette de Jochen Rieder, avec lequel Jonas Kaufmann a souvent travaillé, de Prague à Zurich, de Londres à  Athènes, avant de le retrouver très prochainement à Sydney et Melbourne. Si nous avons pu goûter aux qualités de la phalange catalane in loco, nous avons découvert celles du chef allemand, et sa direction intense a été, la soirée durant, au diapason avec l'art du chant de Jonas Kaufmann, contribuant ainsi à l'incroyable ferveur du public au moment des saluts.

Du reste, pour répondre à cet incroyable enthousiasme collectif, Kaufmann offre généreusement quatre bis, et non des moindres. D'abord « Donna non vidi mai », tiré de Manon Lescaut de Puccini (qu'il vient tout juste d'interpréter - triomphalement - à Covent Garden), puis le lacrymal Lamento de Federico « E la solita storia » (L'arlesiana de Cilea) qui met une fois de plus l'auditoire à genoux. Il termine avec deux airs d'opérettes composées par Franz Lehar (qui annoncent un enregistrement prochain...), dont l'envoûtant « De in ist ganzes Herz », tiré du Pays du sourire, qui est son bis préféré...

Danke schön Herr Kaufmann !

Emmanuel Andrieu

Jonas Kaufmann en récital au Festival de Castell Peralada

Crédit photographique © Gregor Hohenberg

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