Deux intenses Stabat Mater (mêlés) au Festival International de Besançon

Xl_stabat_mater © Emmanuel Andrieu

Trois ans après avoir fait sensation in loco dans le cadre de ce même Festival International de Besançon avec Les Vêpres de Monteverdi, Simon-Pierre Bestion et sa compagnie vocale et instrumentale La Tempête sont de retour avec deux autres œuvres religieuses : les Stabat Mater d’Antonin Dvorak et de Domenico Scarlatti, ici incorporés l’un dans l’autre – et pas seulement mis en miroir –, sans que ni l’oreille ni l’esprit n’en soient choqués. Durement éprouvés par la vie avec la perte d’enfants, les deux hommes ont en commun, à deux siècles de distance, cette expérience de la douleur qui fait écho à celle de Marie éplorée sur le corps inerte de son fils mort.

Comme pour les Vêpres, la soirée est conçue ici comme une expérience globale, qui n’inclut pas que l’ouïe mais aussi la vue. Quand le public s’installe, la scène est surplombée par un immense tableau (peint par la compagne du chef) empreint d’une vraie charge émotionnelle tandis que des flambeaux (électriques) sont disséminés autours des différents pupitres. Loin d’être statique, le chœur comme les quatre solistes qui en sont issus (et dont le programme ne mentionne pas les noms…) arriveront par le fond du parterre, et chanteront parfois devant le premier rang, parfois au milieu du public, voire depuis le balcon du Grand Kursaal (où se tient le concert) pour un effet de spatialisation du son particulièrement saisissant.

C’est la version avec piano de 1876 du Stabat Mater de Dvorak qui a été retenue ici, le pianiste passant à l’orgue positif quand résonnent les accords de celui de Scarlatti, auquel s’ajoute alors un théorbe. Dans l’un comme dans l’autre, le chœur transmet avec ferveur la clarté du texte sacré dans un bel équilibre de voix (notamment dans Scarlatti). Dans Dvorak, il se montre capable de la puissance la plus terrible (dans le « Fac, ut ardeat cor meum »), comme de la douceur la plus incroyable, tel que dans le « Eja, Mater, fons amoris », la partie peut-être la plus émouvante de la pièce. Le quatuor de solistes se montrent solide, même si on avoue une préférence pour la mezzo, excellente à chacune de ses interventions, notamment au début du « Quis est homo » ou dans l’« Inflammatus » qui lui est entièrement dévolu. 

La complicité entre le chef et son ensemble est proche de l’idéal et tout s’avère ici délicatesse et recherche d’harmonie, avec des équilibrages très subtils entre le piano, les autres instrumentistes, les solistes et le chœur, ce dont le public se rend bien compte, qui fait un triomphe à cette « Tempête » dont on ne manquera pas d’aller applaudir les prochaines prestations.

Emmanuel Andrieu

Stabat Mater de Domenico Scarlatti et Antonin Dvorak au Festival International de Besançon, le 17 septembre 2021

Crédit photographique © Emmanuel Andrieu

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