De radieuses Noces de Figaro au Théâtre du Capitole de Toulouse

Xl_noces © Patrice Nin

Cette production des Noces de Figaro de W. A. Mozart - signée Marco Arturo Marelli, étrennée à l'Opéra de Lausanne en 2007, reprise l'année suivante ici-même au Théâtre du Capitole de Toulouse, maison coproductrice du spectacle - renoue avec le succès qu'elle avait rencontré alors dans ces deux théâtres. De fait, le metteur en scène suisse livre ici une vision poétique et sensible de l‘ouvrage, qui refuse de sombrer dans l’innovation de principe ou la modernité à tout prix. Le résultat enchante : tout rayonne et résonne ici avec la subtilité et la mobilité du rêve mozartien que tout aficionado du Génie de Salzbourg porte en soi. Le parcours obligé déroulé par l’intrigue et la partition qui l’anime a de toute évidence inspiré Marelli, qui laisse ici la musique se déployer naturellement, formulant peu à peu un discours théâtral juste par nature, car généré par la musique elle-même. Les gestes et les attitudes apparaissent comme expressives et authentiques, parce qu’ils résultent de l’esprit de la musique, de sa mélancolie ou de son sarcasme, de sa tendresse comme de sa violence.
La cohérence et la force poétique de ce travail sont en outre fort bien relayées par toutes les composantes visuelles du spectacle, à commencer par les panneaux mobiles qui reproduisent de superbes fresques en trompe-l'œil d'une Chute des Géants, peintes par Francisco Bayeu, un peintre espagnol du XVIIIe siècle qui fut l'élève de Goya. Il convient aussi de vanter la beauté des costumes de Dagmar Niefind (provenant du Teatro Real de Madrid) qui mêlent habilement palette italienne et rigueur espagnole, ainsi que tous les effets des lumières conçues par Friedrich Eggert, poétiques en eux-mêmes, hors de cette convention d’un éclairage qui embellirait avec le cours de la journée pour en arriver à la nuit mystérieuse de tous les quiproquos du IV.

Les solistes, dans ces conditions, semblent tous traversés par une émotion, un humour, une grâce et un enthousiasme qui emportent l’adhésion. Chaque rôle semble avoir été résumé jusqu’à son essence même, tout en sauvegardant la richesse de ses caractères psychologiques et musicaux. Dans cet esprit, le baryton uruguayen Dario Solari campe un Figaro plein d’abattage et de prestance. Il possède une voix magnifiquement timbrée, dotée de très beaux graves, et tient son rôle avec justesse. Le baryton étasunien Lucas Meachem (le Comte) dispose également d’un timbre flatteur, et se distingue très favorablement par son agilité et son excellente diction italienne. Dans le rôle de Susanna, Anett Fritsch – qui reprendra cette partie cet été au prestigieux Festival de Salzbourg – s’avère exquise et piquante, avec une voix pleine et fruitée à la fois, faisant de la gracieuse camériste une vraie maîtresse femme. Son « Deh vieni, non tardar » constitue un des meilleurs moments musicaux de la soirée. Lauréate du dernier et très prisé Concours BBC Cardiff Singer of the World - et merveilleuse Mathilde (Guillaume Tell) au Grand-Théâtre de Genène en début de saison -, la soprano biélorusse Nadine Koutcher est un pur bonheur dans le rôle de la Comtesse, et on ne peut que s’incliner devant sa grande élégance et sa somptueuse ligne de chant. Après un saisissant « Porgi amor », elle délivre un « Dove sono » tout de bouleversante nostalgie. Elle confirme ce soir qu'elle est une des voix les plus électrisantes du moment !

La jeune mezzo norvégienne Ingeborg Gillebo s’impose également avec force en Cherubino. Pleine d’aisance, elle dessine avec vitalité son personnage d’adolescent transi et détaille les deux airs de son personnage avec charme et aplomb. Jeanette Fischer – irrésistible Sorcière dans Hansel und Gretel à Angers-Nantes Opéra en janvier dernier - offre une Marcellina très juste de ton - et acariâtre à souhait - tandis que la soprano espagnole Elisandra Melian n’a pas de mal à camper la fraîcheur de Barbarina. De bons éléments aussi du côté des comprimari masculins. Ainsi du truculent Bartolo de Dimitry Ivashchenko, du pittoresque Antonio de Tiziano Bracci, et des efficaces Gregory Bonfatti et Mikeldi Atxalandabaso, parfaits en Don Basilio et Don Curzio.

On relèvera enfin l’excellente prestation de l’Orchestre du Capitole, qui fait preuve de cohésion, de justesse et de précision, répondant avec promptitude aux sollicitations du chef italien Attilio Cremonesi. Conduisant ses musiciens avec beaucoup de dynamisme et de sens théâtral, il n’en reste pas moins très attentif à toutes les inflexions des jeunes chanteurs, se gardant de n’en jamais couvrir aucun.

Il reste cinq séances... alors courez-y !

Emmanuel Andrieu

Les Noces de Figaro de W. A. Mozart au Théâtre du Capitole de Toulouse – Du 15 au 26 avril 2016

Crédit photographique © Patrice Nin

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