Clément Hervieu-Léger réactualise Monsieur de Pourceaugnac à l'Opéra de Reims

Xl_monsieur-de-pourceaugnac © Brigitte Enguerrand

Créée au château de Chambord en 1669, la comédie-ballet Monsieur de Pourceaugnac est le fruit de la septième collaboration entre Molière et Jean-Baptiste Lully. La drolatique production imaginée par Clément Hervieu Léger – d’abord étrennée au Théâtre de Caen en décembre 2015 et que vient de reprendre l’Opéra de Reims – réalise avec un indéniable succès la synthèse entre musique, danse et théâtre. L’intrigue de la pièce est des plus simple : Julie, fille d’Oronte, est amoureuse d’Eraste. Oronte a décidé de la marier à Monsieur de Pourceaugnac, un gentilhomme de Limoges assez âgé mais qui lui apporterait une belle dote. A l’aide du rusé Sbrigani et de l’intrigante Nérine, Julie va se jouer de lui et lui tendre tous les pièges, pour que – épuisé et rendu à moitié fou –, il finisse par rentrer à Limoges sous un déguisement féminin afin de s'enfuir plus aisément de la capitale…

Impitoyablement cruelle, la fable n’accuse pas son âge, et la transposition dans les années 50 choisie par le Sociétaire (depuis le mois dernier !) de la Comédie-Française (à qui l’on doit aussi une Didone de Cavalli particulièrement saluée) se montre très réussie. Car, à cette époque, la société française s’avère encore très hiérarchisée, voire même sclérosée, loin de la « mixité » de notre époque contemporaine. Mais la farce l’emporte ici sur la réflexion sociologique, et l’on rit beaucoup pendant les 1h30 que dure le spectacle. Le public rémois ne s’attendait certainement pas à ce que le pitoyable héros se faufile parmi lui dans la salle, le prenant à partie de ses malheurs, avant de recevoir des poireaux dans la figure ou l’imbuvable tord-boyaux avec lequel Sbrigani saoule Pourceaugnac, mais que lui-même se garde bien de boire, en le rejetant par-dessus l’épaule pour finir sur la tête des spectateurs des premiers rangs !

Les chanteurs réunis ce soir se montrent brillants comédiens, quand les acteurs ne rechignent pas à donner de la voix, voire à esquisser quelques pas de danse (chorégraphies signées par Bruno Bouché). Matthieu Lécroart fait valoir son baryton sonore et s’avère impayable en médecin déjanté, tandis que le timbre fruité d’Elodie Fonnard convient à merveille au personnage de La Parisienne. De son côté, le haute-contre Erwin Aros (Un Ragazzo) peine parfois à se faire entendre, a contrario de Clémence Boué qui campe une piquante Nérine. Dans le rôle-titre, le comédien Gilles Privat se montre irrésistible de drôlerie, mais sait également susciter la sympathie et la compassion des spectateurs, tant il est éhontément bafoué et avili. Il faut également mentionner le bondissant Sbrigani de Daniel San Pedro, la Lucette (rôle travesti) hilarante de Stéphane Facco ou encore la Julie tout en fraîcheur de Juliette Léger.

La musique est moins présente que dans le plus connu Bourgeois Gentilhomme (créé un an plus tard), et l’on devra par ailleurs avouer avoir perdu au change avec le chef italien Paolo Zanzu (contre William Christie à Caen). Sa direction peu nerveuse et inspirée n’a en effet pas la même verve que le jeu quasi névrotique des comédiens sur scène... sans que les qualités de la dizaine d'instrumentistes issus des Arts Florissants doivent être ici remises en cause...

Emmanuel Andrieu

Monsieur de Pourceaugnac de Jean-Baptiste Molière & Jean-Baptiste Lully à l’Opéra de Reims, les 23 & 24 février 2018

Crédit photographique © Brigitte Enguerrand

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