Candide de Bernstein triomphe au Grand-Théâtre de Bordeaux

Xl_candide © Karli Cadel

Après avoir fait les beaux soirs du Théâtre du Capitole le mois dernier, cette production de Candide de Leonard Bernstein – signée par Francesca Zambello et étrennée en 2015 au Festival de Glimmerglass – vient accoster, un peu plus en amont de la Garonne, au Grand-Théâtre de Bordeaux. La célèbre femme de théâtre américaine imagine un spectacle qui s’appuie sur le « théâtre de tréteaux » et qui est un merveilleux exemple d’esprit, d’humour et d’élégance. Dans une sorte de grand entrepôt composé de poutres et de passerelles, décor unique réalisé par James Noone, quelques accessoires suffisent pour évoquer les nombreux lieux de l’action ou les péripéties diverses que traversent les personnages. Huilée comme le mécanisme d’horlogerie le plus perfectionné, la mise en scène s’avère capable de maintenir la tension dramatique du récit et de soutenir, de bout en bout, l’intérêt du spectateur. Son autre grand mérite est d’adopter le rythme ultra-rapide qui met en valeur la partition facétieuse de Bernstein.

L’Orchestre National Bordeaux Aquitaine prend un plaisir communicatif à suivre la battue enjouée - et très « broadway » - de James Lowe, traduisant l’humour du compositeur qui s’est amusé à parodier valses et tangos. Pleine de jeunesse et d’enthousiasme, tout entière américaine, la distribution fait preuve elle aussi d’un esprit caustique et roboratif. Annoncé aphone, Wynn Harmon assure néanmoins la partie théâtrale en jouant sur scène, cédant (vocalement) la place à Matthew Scollin qui réalise la performance d’interpréter les rôles de Voltaire et Pangloss (devant un pupitre à l’extrémité gauche du plateau) en plus des deux personnages qui lui étaient dévolus au départ, Martin et Jacques. Il réussit ainsi l’exploit de se donner à certains moments la réplique à lui-même (en changeant de peau en une fraction de seconde), véritable tour de force qui lui vaut d’indescriptibles hourras au moment des saluts. Même s’il recueille tous les suffrages, en attirant tous les regards grâce à une voix et une présence magnétiques, ses partenaires sont loin de démériter. Andrew Stenton campe ainsi un Candide plein d’allant et, avec sa figure pouponne et sa voix claire, exprime à la perfection l’idéalisme ingénu du héros. Dans le rôle de Cunégonde, Ashley Emerson triomphe des aigus stratosphériques du fameux « Glitter and be gay », et garde toujours sa bonne humeur malgré ses affreuses vicissitudes. De leur côté, Marietta Simpson incarne avec une incroyable drôlerie le rôle de La Duègne (ce qui fait oublier sa voix aux registres dessoudés), et Kristen Choï (Paquette) s’avère la plus piquante des soubrettes. La distribution est trop nombreuse pour qu’on puisse citer chacun mais tous défendent avec conviction et investissent avec crédibilité les différents rôles qui leur sont confiés. Enfin, très sollicité, le Chœur de l’Opéra National de Bordeaux brille de tous ses feux, notamment dans l’air cynique « de l’auto-da-fé » et, plus encore, dans l’intense hymne final. S'ensuit un triomphe public amplement mérité.

Emmanuel Andrieu

Candide de Leonard Bernstein au Grand-Théâtre de Bordeaux, jusqu’au 26 janvier 2017

Crédit photographique © Karli Cadel
 

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