Barbara Hannigan dirige le Requiem de Mozart en ouverture du 9ème Festival de Pâques d'Aix

Xl_barbara_hannigan_dirige_le_requiem_de_mozart_au_festival_de_p_ques_d_aix-en-provence © Caroline Doutre

Après une édition annulée en 2020, puis une édition « numérique » en 2021 (à laquelle nous avons néanmoins pu assister), la neuvième édition du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence peut enfin se tenir dans des conditions normales et sereines.  Du 8 au 24 avril vont se succéder les meilleures formations orchestrales (Orchestre Philharmonique de Radio-France, Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, Orchestre de la Suisse Romande, Orchestre de Chambre de Lausanne, Ensemble Pygmalion, Insula Orchestra, Ensemble Matheus…) et les plus grands solistes instrumentaux et vocaux (Juwa Yang, Juan-Diego Florez, Renaud Capuçon, Marina Viotti, Martha Argerich, Maria-Joao Pires, Nelson Goerner, Stephen Kovacevich...) faisant d’Aix la rivale française, à sa propre échelle, des prestigieuses manifestations pascales de Salzbourg et Baden-Baden.

Pour le concert d’ouverture, dans un Grand Théâtre de Provence archi-comble, Dominique Bluzet et Renaud Capuçon (les fondateurs-directeurs de la manifestation provençale) ont invité la chanteuse / cheffe d’orchestre canadienne Barbara Hannigan pour diriger le Requiem de Mozart, à la tête de l’Orchestre Philharmonique et du Chœur de Radio-France (tous deux disposés d'une manière inhabituelle), un concert qu’ils avaient déjà donné la veille à l’Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique à Paris. Si nous avons toujours été enthousiasmés par ses talents de chanteuse et de comédienne, avouons d’emblée que nous avons moins été impressionnés par sa direction d’orchestre. Car malgré une gestique tout en légèreté, rondeur et amples respirations, ces même légèreté et souplesse ne se retrouvent malheureusement pas dans la formation orchestrale, certes autrement plus fournie que de coutume – par rapport aux formations baroques (et leurs cordes en boyaux) avec lesquelles nous avons entendu la plupart des exécutions du Requiem du génie de Salzbourg. Certaines de ses parties apparaissent ainsi trop « carrées » (le Rex tremendae), d’autres trop pesantes, et certains tempi prennent inexplicablement un train d’enfer quand certains autres traînent au contraire en longueur (l’Adagio introductif).

Le quatuor vocal réuni ici est dominé par la soprano suédoise Johanna Wallroth, au timbre idéalement pur et lumineux, avec cette vibration intérieure qui distingue les grandes interprètes de l’œuvre. Le chant élégiaque et nuancé du ténor canadien Charles Sy et, à l’inverse le rendu très sonore (mais jamais forcé) des interventions de la basse guadeloupéenne Yannis François, sont également de bonnes surprises. On est par contre moins séduit par la voix de la mezzo canadienne Adanya Dunn, dont le timbre ne se singularise pas, et qui manque par ailleurs à la fois de projection et de puissance.

Pour parler franchement, nous préférons donc Barbara Hannigan comme chanteuse, et la marche du monde fait qu’en lieu et place de la pièce de Luigi Nono qui devait ouvrir le bal, les spectateurs ont eu droit à une chanson ukrainienne composée par Kyrylo Stetsenko, « J’étais debout et j’écoutais le printemps », interprétée par Hannigan herself perchée sur son podium. L’émotion, qui a tant manqué pendant le Requiem, avait ainsi pourtant imprégné le début du concert, à travers notamment les incroyables arabesques et volutes vocales dont son soprano colorature est capable. Autre pièce donnée en première partie de concert, dans laquelle la cheffe paraît beaucoup plus à son affaire (en spécialiste de la musique des XXe et XXIe siècles qu’elle est !), le Concerto pour violon « A la mémoire d’un ange » (1935) d’Alban Berg s’est révélé être le vrai moment d’exception de la soirée. L’ultime composition du compositeur autichien, qui va mourir dans cette même année 1935, est une commande d’urgence après la disparition prématurée de Manon Gropius, la fille d’Alma Mahler – qui épousa l’architecte Walter Gropius en seconde noce après le décès de son illustre premier mari. Confié à l’archet du violoniste hambourgeois Christian Tettzlaff, ce dernier fait bel et bien de cette pièce une méditation sur la vie provoquée par la mort, en totale symbiose avec un orchestre qui nous fait partager la douleur de ceux qui ont perdu un être cher, Barbara Hannigan parvenant à créer ici des climats d’une tristesse infinie, notamment lors de l'impalpable finale, où le violon de Tezlaff prodigue des sonorités proprement séraphiques. On aurait décidemment aimé ressentir cette même ferveur et qualité d’émotion dans le Requiem

Emmanuel Andrieu

Le Requiem de Mozart couplé avec le Concerto pour violon "A la mémoire d’un ange" de Berg en Ouverture de la 9ème édition du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence, le 8 avril 2022

Crédit photographique © Caroline Doutre

| Imprimer

En savoir plus

Commentaires

Loading