A l'Opéra de Toulon, la fête au couvent

Xl_les_mousquetaires_au_couvent1 © Frédéric Stéphan

Pour tirer sa révérence à l’Opéra-Comique (c'était en juin dernier), après huit ans de bons et loyaux services à sa tête, Jérôme Deschamps avait monté une production des Mousquetaires au couvent, signé par lui-même. Presque une rareté : de la quarantaine d’opérettes de Louis Varney, elle est la seule à être durablement restée au répertoire. Le livret narre les amours de Gontran de Solanges avec Marie de Pontcourlay d'une part, et celles (plus secondaires) de Narcisse de Brissac avec Louise de Pontcourlay. Les deux damoiselles sont enfermées dans un couvent dans lequel les deux mousquetaires vont prestement s'introduire, avec pour but de les en libérer. Mais au final, leurs incartades seront pardonnées, car elles auront permis de déjouer un complot contre le cardinal de Richelieu… Ce mélange loufoque d’Alexandre Dumas et de théâtre de boulevard, mâtiné d’un soupçon d’anticléricalisme, connut un vif succès lors de sa création en 1880 aux Bouffes-Parisiens. Loin du wagnérisme ambiant, le compositeur se pose en successeur d’Offenbach, avec des airs vifs et entraînants.

Pour cette production, étrennée à l'Opéra de Lausanne en 2013, l’intrigue se déroule dans des décors épurés (signés Laurent Peduzzi), à la simplicité évocatrice, telles ces maisons aux toits et murs simplement dessinés qui font penser à des jouets en bois (ou, peut-être, inspirées par De Chirico ?...), riches en couleurs acidulées, que soulignent habilement les lumières de Marie-Christine Soma. Certains tableaux conjuguent dérision et féerie, comme cet intérieur du couvent où, sous un Christ en croix (en fait un acteur qui finit par en descendre, provoquant l'hilarité des spectateurs), les religieuses campent de sages écolières... mais soudain de vraies diablesses dès que la Mère supérieure a le dos tourné !... L’harmonie plastique est permanente, qui alterne tons pastels et couleurs vives, avec un égal bonheur. Saluons également les costumes de Vanessa Sannino pour ce qu’ils combinent de tradition et de stylisation, ancrant le spectacle dans son époque, tout en lui donnant la fantaisie d’une bande dessinée. La mise en scène n’est pas en reste, qui fait pétiller les péripéties d’une intrigue fantasque, malgré une première partie un peu hésitante. La joyeuse furie des deuxième et troisième actes réjouit l’œil comme l’esprit.

Et la distribution parachève la réussite, avec une équipe pleinement engagée pour rendre justice à ce répertoire. Sébastien Guèze, avec son timbre si particulier et ses aigus accrochés, est un délicieux Gontran, secondé par un Brissac tout aussi convaincant (Marc Canturri), malgré un registre grave un peu frêle pour un baryton. Leurs tourterelles – Laurence Guillod et Eléonore Pancrazi - sont également d’un excellent niveau, et nous languissons de les entendre dans des rôles de plus grande envergure. Graves et aigus tout aussi somptueux, Carole Meyer est une remarquable Simone, tandis que le non moins excellent Frédéric Goncalves fait mouche dans le rôle de l’Abbé Bridaine, à qui il prête son inépuisable verve, assorti d’un sens du comique idéal. Et les petits rôles ne sont pas en reste, parfaitement tenus qu'ils sont - à commencer par les impayables Soeur Opportune de Cécile Galois et Mère Supérieure de Nicole Monestier -, les qualités de diction des différents interprètes garantissant, par ailleurs, d’apprécier à leur juste mérite les finesses du livret. Last but not least, Jérôme Deschamps endosse lui-même le rôle du Gouverneur, un personnage aussi crétin que fat, malgré tout sympathique, façon Deschiens, dont les grimaces et mimiques enchantent et font s'esclaffer le public. A ces louanges, il convient d’associer le chef Jean-Pierre Haeck,  fin connaisseur de ce répertoire, qui mène le spectacle tambour battant, imposant un rythme effréné à un Orchestre de l’Opéra de Toulon diablement efficace.

Emmanuel Andrieu

Les Mousquetaires au couvent de Louis Varney à l'Opéra de Toulon, le 31 décembre 2015

Crédit photographique © Frédéric Stéphan

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