« Perpetual Music », Sonya Yoncheva à Berlin : la musique est notre langue

Xl_118765710_3276653119084678_1462765747817522040_o © DR

« perpetual music » un projet à l’initiative de

Rolex

Les artistes doivent s’exprimer, exercer leur art, faire de la musique et se produire sur scène : car telle est leur langue et leur âme. Même si ça ne se reflète pas toujours dans nos politiques publiques, l'art et la culture font partie de notre société, et sont tout autant essentiels à notre vie que le fait de manger, boire ou respirer. Et les artistes ne peuvent pas vivre sans se produire sur scène : la crise sanitaire actuelle et sa cohorte de restrictions plus ou moins sévères se  doublent donc d’une profonde crise culturelle mais aussi économique pour les artistes qui maintenant redoutent l’avenir. Des initiatives privées tentent néanmoins de soulager leurs souffrances. La société horlogère suisse Rolex, qui promeut l'art et ses acteurs depuis de nombreuses années, contribue de nouveau généreusement au soutien des artistes en s’improvisant producteur de concerts afin que les interprètes puissent se produire sur scène et s’assurer un revenu – en plus de communiquer une profonde joie spirituelle. La préservation de l'art est le leitmotiv de la série de galas Perpetual Music. Des stars telles que Juan Diego Florez, Sonya Yoncheva et Rolando Villazon sont les Témoignages de la marque de luxe depuis des années. Aujourd'hui, ils animent trois concerts dans trois pays et y invitent une centaine d’artistes à se produire sur trois scènes prestigieuses. Une initiative généreuse, admirable et chaleureuse au service de l'art et de la société, et on peut espérer que de nombreuses entreprises en suivront l’exemple. 

Après Juan Diego Florez à Pesaro, Sonya Yoncheva prend possession de la scène de la Staatsoper Unter den Linden de Berlin le temps d’une soirée, pour accueillir une centaine d’invités qui se répartissent à bonne distance les uns des autres, uniquement dans les premier et deuxième tiers de la salle. Le corridor et le foyer de l’établissement paraissent bien vides, mais la triste situation actuelle n’en est que plus perceptible dans la vaste salle de la maison berlinoise – des rangées entières de sièges sont inoccupés, barrés avec un adhésif blanc. Avec de telles images à l’esprit, la sévérité et le sens des mesures sanitaires adoptées partout dans le monde peuvent soulever quelques interrogations, et alimentent les discussions des professionnels du monde de la culture depuis des semaines. Ce soir, les heureux invités patientent avec révérence, presque sans bouger, surtout sans tousser, ni même murmurer, alors que les masques restent sur les visages jusqu’à ce que le concert débute. Devant le lourd rideau de velours bordeaux, un piano à queue occupe la scène vide. Il sera constamment désinfecté, après chaque utilisation, tandis que de nombreux assistants à l’allure fantomatique, vêtus de noir et masque sombre sur le visage, opèrent dans l’ombre de la scène. Le plaisir de la culture qui habituellement allège l’âme est un peu différent maintenant.

Sonya Yoncheva, dans une robe élégante qui lui arrive au genou, complétée d’une courte traîne et de fins talons hauts, rompt le silence : la soprano bulgare accueille les invités, remercie l’Opéra et le mécène de la soirée au nom de tous les artistes participants, pour cette opportunité de se produire en direct et devant un public. Son discours vient du cœur et touche celui du public, manifestement enchanté de vivre l’expérience depuis la salle après des semaines de privation.

La jeune pianiste Olga Zada ouvre la soirée avec une interprétation rafraichissante de l’Impromptu op 142 D 935 de Franz Schubert. La soprano Ekaterina Siurina, accompagnée par Giuseppe Mentuccia, déploie ensuite peut-être plus de drame que nécessaire dans le célèbre air de Gretchen tiré du Faust de Charles Gounod. L'interprétation d’Alfredo Daza de l'aria « Morir tremenda cosa ! » de La forza del destino de Verdi est sombre et lugubre comme il se doit. Puis le violoncelliste Kian Soltani offre une respiration bienvenue au public avec son interprétation virtuose de la Rhapsodie hongroise de David Popper, avec ses rythmes entraînants et sa gamme mélodique folklorique.
Le baryton Michael Volle déploie avec toute la puissance requise l’exhortation de Richard Wagner « Verachtet mir die Meister nicht » extraite de Maîtres Chanteurs de Nuremberg, à la fois pleine de dignité et d’autorité. Fraîche, coquette et impertinente, la soprano Fatma Said emporte le public avec l’aria « Non, Monsieur, mon mari » des Mamelles de Tirésias de Francis Poulenc. Puis tout comme le clarinettiste Pablo Barragan, la violoniste Veronika Eberle et le pianiste Julian Quentin s’imposent autant d’incroyables solistes instrumentaux à découvrir. Autre temps fort de la soirée, Avi Avital offre une sublime performance artistique à la mandoline. Il semble ne faire qu’un avec son instrument, pour mieux enchanter le public avec son interprétation de danses folkloriques roumaines de Bela Bartok, et une élégiaque mélodie traditionnelle bulgare. La Bulgarie est encore à l’honneur quand la maîtresse de cérémonie de la soirée, Sonya Yoncheva, touche le public au cœur dans le duo qu’elle partage avec Alfredo Daza, pour interpréter « La ci darem la mano » du Don Giovanni de Mozart, et plus encore dans l’aria « Lascia Ch'io Pianga » extrait du Rinaldo de Georg Friedrich Haendel.

Au terme de la soirée, Sonya Yoncheva invite de nouveau l’ensemble des artistes invités à la rejoindre sur scène, tous heureux de prendre leur part des applaudissements nourris du public. Ainsi est franchi un petit pas supplémentaire vers le retour à la vie de l’industrie culturelle, et nous espérons que de nombreux autres suivront bientôt.

Helmut Pitsch

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