Camilla Nylund éblouissante Salomé à Munich

Xl_salome_munich_c_w._hoesl © W. Hoesl

Avec Wagner, Richard Strauss est incontestablement l’une des figures emblématiques du Théâtre national de Munich. Son père y était le premier corniste de l'orchestre, le jeune Richard rampait dans la fosse lors des répétitions et fut plus tard lui-même un maître de chapelle respecté dans sa ville natale. Et chaque année, les représentations de ses opéras font partie des points forts du festival d'opéra, le Münchner Opernfestspiele.

Cette année, une reprise de Salomé est proposée dans la mise en scène de Krzysztof Warlikowski avec une distribution de stars. Le Polonais transpose le livret biblique à l'époque de la persécution des Juifs sous le troisième Reich. Les protagonistes se rassemblent dans une bibliothèque talmudique, y cultivent une vie culturelle et interprètent eux-mêmes une représentation théâtrale du sujet. De temps à autre, le mur de fond de scène s'ouvre et laisse entrevoir une cache secrète dans laquelle une jeune fille, probablement Anne Frank, est assise et lit un livre. La fameuse Danse des Sept voiles est ici une rencontre entre Salomé en robe de mariée et la mort. Et en lieu et place du plateau d’argent, la tête de Jochanaan est servie emballée dans une boîte.

C'est surtout l'incroyable performance théâtrale et musicale de Camilla Nylund dans le rôle-titre qui fait de cette soirée un événement. Eruptive avec une expressivité naturelle et des notes limpides et pures jusque dans les registres les plus hauts, elle chante ce rôle redoutable de façon ardente, avec une aisance et une assurance confondantes. Même dans la scène de danse peu inspirée, elle fait bonne figure. La soprano résiste par ailleurs de façon impressionnante aux assauts furieux de l'orchestre sous la direction passionnée de François Xavier Roth, et récolte en fin soirée une ovation méritée !

Tous les rôles sont néanmoins parfaitement distribués, ce qui donne lieu à une magnifique performance d'ensemble. Wolfgang Koch est désormais un Jochanaan d’envergure internationale. Avec son baryton corsé et très bien mené, jusque dans les tréfonds obscurs du cachot, il convainc à nouveau. De même, Hérode est maintenant l’un des rôles signatures de Gerhard Siegel. Il sait parfaitement définir le tétrarque de Judée, déchiré entre sa faiblesse de volonté et son obsession du pouvoir. Son interprétation vocale est impressionnante de clarté et de puissance. Michaela Schuster est comme d'habitude dramatique avec des aigus métalliques dans le rôle d'Hérodiade. Evan LeRoy Johnson est un Narraboth très fin, au chant lyrique, porté par une mise en scène qui lui permet d’exprimer ses talents théâtraux. Christine Bock fait un page incisif.

La direction de François Xavier Roth est tendue et expressive. Il encourage l'orchestre à jouer de manière très contrastée et chargée en volume. Il tient les musiciens dans un ensemble très homogène et reste à tout moment maître de l’action. Les changements de tonalité sont précis, les progressions bien senties. Le son émanant de la fosse emplit chaque recoin de la salle, empreigne le public qui le suit avec une fascination palpable. Les motifs et leur superposition transparente créent une diversité sonore remarquable.

Une grande soirée musicale, en dépit d’une mise en scène parfois absconse, saluée par des acclamations enthousiastes du public.

traduction libre de la critique en allemand de Helmut Pitsch
11 juillet 2023, Munich

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