© Patricia Dietzi/Gstaad New Year Music Festival
Hier soir vendredi 26 décembre, la soprano libano-russe Anna El-Khashem ouvrait l’édition 2025 du Gstaad New Year Music Festival qui fête ses 20 ans cette année. Une longévité que l’on doit aux amis du festival, à ses mécènes, mais aussi et surtout à la princesse Caroline Murat, présidente fondatrice de ce rendez-vous unique au monde. Impossible en effet de trouver un autre évènement permettant d’entendre des artistes d’un tel talent, d’une telle renommée, dans des lieux si intimes, le tout dans des décors de cartes postales saupoudrés de la magie des Fêtes de fin d’année.
Le récital d’ouverture s’inscrit dans cette lignée et fait le choix d’un rendez-vous douillet, cosy, laissant la flamboyance des feux d’artifices à d’autres grands noms de cette riche programmation regroupant une pléiade de stars lyriques. Le programme proposé pour cette soirée s’annonçait festif, jeune et gai selon les mots de Caroline Murat, clôturant son discours en souhaitant « que la fête commence et que la vie soit en rose », fil rouge de cet anniversaire.
Le bal débute avec Mozart dans lequel le timbre ambré de la soprano s’épanouit au milieu d’un medium velouté, de graves plantureuses et d’aigus doux. L’enchaînement des airs peut laisser une impression monotone, et la prononciation du français entendu dans « Oiseaux, si tous les ans » demeure perfectible, mais la maîtrise de la ligne de chant et de la projection dans l’acoustique du lieu est remarquable. Parée de sa technique, la soprano se libère du poids de l’ouverture d’une soirée si importante devant un impressionnant parterre.

Anna El-Khashem © Patricia Dietzi/Gstaad New Year Music Festival
« Die stille Lotosblume » de Clara Schumann nous enveloppe pour sa part, nous berce, plongeant la charmante petite église de Rougemont dans une atmosphère calme, comme ni nous étions lovés dans un canapé au coin du feu devant un sapin illuminé, entre amis ou en famille.
Après les airs de Robert Schumann, les deux artistes saluent, quittent la scène, laissant au pianiste Keval Shah le soin d’un retour seul pour prononcer quelques mots sur le programme et sur la pièce qui suit : Rang de Basant pour piano solo de Reena Esmail. Si jusque-là, le musicien s’est avéré un accompagnateur de premier ordre, à l’écoute des intonations de sa partenaire de scène, modulant son doigté pour suivre la ligne de chant, il change de jeu ici pour devenir le seul interprète sur scène. Sans partition, il habite chaque note pour mieux nous la transmettre.

Keval Shah © Patricia Dietzi/Gstaad New Year Music Festival
Retour ensuite sur l’estrade d’Anna El-Khashem pour une parenthèse sous le signe de Richard Strauss entrecoupée par le son des cloches bienvenu dans cette atmosphère coupée du reste du monde, engendrant un amusement de la part de l’auditoire. Finalement, la soprano fait signe au pianiste de poursuivre après un temps d’attente malgré ce bruit lointain afin d’interpréter l’ultime air straussien prévu au programme. Un moment particulièrement beau laissant place à un petit salut.
Un court salut marque le passage à Rachmaninov. Le passage au russe offre un nouveau souffle à la cantatrice : on la sent s’épanouir pleinement dans la musicalité de cette langue. Elle nous transporte à travers les six airs, nous faisant voyager au gré des flocons que forment les notes dans les airs, avant d’annoncer la fin de la soirée par trois chants de Noël aimés des deux artistes : « Come sing and dance » de Herbert Howells, « Villancico Vasco » de Joaquin Nin – où l’on note également la perfectibilité de la prononciation, mais une douceur sans faille dans l’interprétation – et « Talj, talj », un chant de Noël d’après Faïrouz. On aurait aimé cet air sans fin...
Un tel récital fait prendre conscience qu’il n’est nul besoin de grandiose ou de faste quand on a la chance d’assister à un festival comme celui de Gstaad, véritable cocon intime, magique, unique, où la chaleur humaine réchauffe du froid extérieur.
Malheureusement, toute bonne chose doit finir. Les artistes ont la gentillesse d’offrir un bis de circonstance : « Stille Nacht, Heilige Nacht » (« Douce Nuit, Sainte Nuit »). De quoi prolonger Noël jusqu’en cette nuit de 26 décembre, pour notre plus grand plaisir.
Elvira Montez
À Rougemont, le 26 décembre 2025
Récital d'Anna El-Khashem au Gstaad New Year Music Festival, le 26 décembre 2025
27 décembre 2025 | Imprimer
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