Chronique d'album : Les Arts Florissans, par l'Ensemble Marguerite Louise et Gaétan Jarry

Xl_arts_flo2 © DR

On l'évoquait, le Château de Versailles Spectacles vient de créer son propre label discographique dont le premier album est paru vendredi dernier. Il s’agit de l’enregistrement des Arts Florissans de Charpentier (qui a inspiré le nom de l’ensemble formé par William Christie), ici servi par l’Ensemble Marguerite Louise sous la direction de Gaétan Jarry et enregistré à Versailles en juillet 2017.

Si le compositeur français fut longtemps éclipsé par Lully, la qualité exceptionnelle de sa musique est pourtant déjà reconnue depuis longtemps. Outre sa Médée dont l’intérêt n’est plus à démontrer, il créa pour la Duchesse de Guise diverses œuvres dont la beauté fut admirée par Louis XIV lui-même. L’Idylle en musique Les Arts Florissans en fait partie. Composée en 1685, il n’existait jusqu’alors que peu d’enregistrements de cette œuvre, ici associée à des extraits de la Couronne de Fleurs qui fait office d’épilogue, formant un ensemble d’opéras remarquables, « tant par leur finesse et leur intimité que par leur profondeur et leur densité ». Dans ce divertissement sous-titré « opéra » que sont Les Arts Florissans, le compositeur présente cinq scènes qui permettent de célébrer le triomphe des arts sur le bruit des armes, permettant d’opposer de manière saisissante les « rythmes serrés et martelés des combats dévastateurs » des « suaves harmonies du Chœur des Arts » (selon le livret). Il va sans dire que chacun des Arts rend grâce au Roi, la Poésie craignant par exemple de ne pas avoir de mots assez forts pour chanter ses louanges :

« Mais, si je veux chanter ce monarque invincible,
Je ne saurais trouver de style assez pompeux :
Taizons-nous, mes vers et ma Lyre.
Les exploits de Louis, que tout le monde admire,
Ostent aux mots la force et l’ornement ;
Il vaut mieux manquer de les dire,
Que de les dire foiblement. »

Il en ira de même pour la Peinture et l’Architecture qui s’uniront afin de rendre grâce aux bienfaits de Louis avant que la Discorde ne surgisse, suivie des Furies, amenant une musique plus tumultueuse en opposition au calme de la Paix qui intervient ensuite. Elle finit par triompher et rappelle les Arts qui, effrayés, s’étaient  enfuis. L’ultime tableau repose principalement sur une chaconne et une sarabande en rondeau, le tout sur un rythme ternaire afin de mieux rendre compte et symboliser l’harmonie retrouver, sans oublier l’union des chœurs des Arts et des guerriers dans un vaste hymne à la paix « selon un contrepoint dont Charpentier est un maître absolu » (toujours d'après le livret). Les derniers mots, prononcés par la Paix, permettent quant à eux de non seulement célébrer le roi, mais aussi de lier la seconde œuvre de l’album à la première :

« Du fameux Conquerant qui met fin à nos larmes,
Ma main destine les honneurs
De cette Couronne de Fleurs ».

Gaétan Jarry dirige ici les jeunes musiciens talentueux de son ensemble Marguerite Louise, dont le nom vient de Marguerite Louise Couperin, chanteuse pour qui François Couperin composa divers motets, cousine de l’organiste du Roi Soleil et l’une des premières femmes à pouvoir chanter à la tribune de la Chapelle Royale. Versailles est donc inscrit dans les gènes de cet ensemble qui offre ici une orchestration variée et une interprétation approfondie des œuvres. L’intensité ressentie nait non seulement de l’emploi d’un chœur complet, mais aussi du travail sur la partition et du relief qui en ressort, laissant libre court tant à la légèreté qu’à la profondeur de cette musique magnifiquement. Charpentier retrouve ici toute sa grandeur et l’on ressent l’importance donnée à la musique par Versailles. Les voix, quant à elles, servent également la partition, tant dans sa musicalité que dans son texte et son message allégorique, alternant ferveur, densité, énergie et calme, souffle ou volupté selon le(s) personnage(s) interprété(s). Les solistes sont d’un égal régal à l’écoute : entre Maïlys de Villoutreys (entendue en 2013 à Marseille), Virginie Thomas, Jonathan Spicher, Anaïs Bertrand, David WitczakCécile Achille et Virgile Ancely, l’harmonie des timbre et l’équilibre sont parfaits, s’accordant à merveille à ceux des chœurs.

Enfin, le livret de l'album entièrement bilingue français-anglais permet de faire connaissance avec les œuvres, l’ensemble ou encore le texte tout en étant agrémenté de belles photos dont certaines ont été prises lors des répétitions en juillet 2017. De quoi donner envie d’assister à la soirée de Gala du 7 juillet 2019 dans la Cour de Marbre où l’Ensemble Marguerite Louise et Gaétant Jarry donneront à nouveau ces Arts Florissans qu’ils ont su magnifier dans ce premier enregistrement du nouveau label du Château de Versailles.

Elodie Martinez

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