Borg et Théa à Lyon : toute la beauté, la poésie et l’efficacité de la simplicité enfantine

Xl_borg_et_thea_5cmichel_cavalca © Michel Cavalca

Alors qu’Alceste brille dans la grande salle de l’Opéra de Lyon (lire notre chronique), la maison lyrique s’est associée avec le Théâtre de la Croix-Rousse comme elle le fait depuis plusieurs années maintenant afin de proposer à un public de tout âge un « spectacle de poche ». Il s’agit d’un spectacle assez court donné un petit peu plus tôt que d’habitude afin de permettre aux enfants d’y assister. Et il serait bien dommage de les priver de ce Borg et Théa !


Borg et Théa ; © Michel Cavalca

Borg et Théa est une co-commande du Quatuor Béla, du Théâtre de la Croix Rousse, de l’Opéra de Lyon, et des Festivals les Détours de Babel, Les Voix du Prieuré, Les Nuits d’Eté. Malgré cela, la salle du théâtre était étrangement assez peu remplie en ce soir de Première (en pleine semaine, il est vrai), ce qui est fort dommage car la qualité et le plaisir étaient au rendez-vous. L’histoire est originale : l’œuvre se présente comme le conte d’un mythe parvenant du passé mais nous racontant notre avenir. Au cours du troisième millénaire, alors qu’un météore a engendré un terrible réchauffement climatique, l’humanité a dû s’adapter et s’est divisée en diverses tribus selon leurs façons tout aussi diverses de s’acclimater à ce changement. Que cela soit sur terre, sous terre ou encore sous l’eau, ils ont fini par muter au point que certaines maladies apparaissent, tel que le « Cervela », qui signifie que de l’eau s’est insinuée dans le cerveau, rendant les pensées troubles et vaporeuses. Il existe bien entendu des remèdes. Un autre des dérèglements est spatio-temporel : certains continuent de vieillir normalement tandis que d’autres le font à l’inverse, un petit peu comme Benjamin Button (le héros du film réalisé par David Fincher en 2008). C’est alors que nous apprenons l’histoire de Borg et Théa, lui vieillissant, elle rajeunissant, mais s’aimant jusqu’à la fin de leurs jours. Au moment où Théa disparut, Borg s’éteignit et l’on vit apparaître deux nouvelles étoiles dans le ciel, ce qui marqua le temps du rassemblement de tous les peuples épars dans une grande plaine à l’abri du climat terrible.

Ce livret à la fois fantastique, amusant, merveilleux, burlesque et même magique est signé Jean-François Vrod, également violoniste et conteur sur scène. La composition musicale est empreinte de folklore et de musique traditionnelle, ce qui est adapté pour un public jeune et nous emmène sans grande difficulté dans ce monde ou cet avenir imaginaire. Les deux conteurs tantôt parlent, tantôt s’expriment dans un « parlé chanté », rythmant ainsi avec leur voix le texte, se faisant écho, se répondant, se succédant l’un à l’autre. Quant aux autres musiciens, ils s’accordent parfaitement et participent également au spectacle, intervenant oralement ou même scéniquement.


Borg et Théa ; © Michel Cavalca

Toutefois, le spectacle, malgré le livret et la musique, existerait difficilement sans la mise en scène extrêmement ingénieuse, ludique, enfantine et simple, mais ô combien poétique et efficace de Jean Lacornerie qui n’en est pas là à sa première collaboration avec l’Opéra de Lyon et sa Maîtrise. Il utilise un matériau qui parle à tous : la feuille de papier blanche (du moins l’est-il visuellement). Déclinée sous bien des formes (énorme boule, découpée, parfois sous nos yeux, immenses feuilles froissées servant de capes, ou bien d’abris aux enfants qui, une fois entièrement recouverts, deviennent des rochers, etc.). L’imagination du public trouve un véritable écho dans celui de la mise en scène qui, parfois à l’aide de simples rétroprojecteurs, offre des tableaux poétiques : les ombres projetées de trois couples d’enfants se trouvent ainsi recouvertes par exemple de terre époustée petit à petit de la vitre de l’appareil afin de faire apparaître un cercle autour des personnages. Des récipients remplis d’eau savonneuse dans laquelle les enfants soufflent doucement dont apparaître des motifs aléatoires.

Karine Locatelli, le chef de choeur de la Maîtrise, dirigeait sur scène les musiciens mais aussi et surtout la Maîtrise de l’Opéra de Lyon, véritablement mise en avant dans ce spectacle. En effet, si la maison lyonnaise est déjà réputée pour sa programmation, sa politique d’ouverture, son orchestre ou encore son chœur, il ne faut pas oublier sa Maîtrise qui est amplement à la hauteur de la renommée de l’Opéra. L’ensemble est homogène, tant vocalement que dans le jeu, la prononciation est tout simplement impressionnante (nul réel besoin de lire le surtitrage pour comprendre le texte chanté), les enfants font finalement de ce chœur un seul et même « cœur » battant en rythme avec la mise en scène et les musiciens. Un vrai régal et même une leçon de cohésion !

Un théâtre musical de poche qui plaira à tous les enfants, y compris ceux qui sommeillent dans chaque adulte ! A voir au Théâtre de la Croix-Rousse jusqu’au 17 mai.

Elodie Martinez

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