Le point de vue d’Alain Duault : Domingo, la grande classe

Xl_placido-domingo-salle-gaveau-2022 © (c) Max Catena

Plácido Domingo demeure le héros lyrique de notre époque : la preuve vivante en a été donnée ce samedi 12 février à la Salle Gaveau avec la représentation en version de concert d’I due Foscari, un opéra de jeunesse de Verdi, composé deux ans après son Nabucco et déjà riche d’avenir, riche de ce que sera le grand style verdien. Nous disons ici dans une chronique sur tout ce qu’il faut penser de cette soirée, je voudrais seulement évoquer l’effet produit par Plácido Domingo. 

Dès qu’il est apparu, il était seul sur la scène de Gaveau, seul parce que, indépendamment de l’orchestre, des choristes, des solistes, du chef, on ne voyait plus que lui : la démarche lente, mais assurée, le sourire discret vers le public qui l’acclame, le geste maitrisé, Plácido Domingo impose sa présence. Il est là, le reste ne compte plus. Il ouvre la bouche, et on comprend qu’on n’a rien entendu avant. Car aussitôt triomphe un timbre qui, même ombré par le temps, est sa signature sonore ; surtout, dès qu’il chante, on entend ce qu’est le phrasé verdien, cette souplesse qui installe l’intériorité d’un personnage, son épaisseur psychologique, son rayonnement. Tout vibre sans qu’il ait besoin d’en rajouter, de souligner une intention au crayon rouge ou au haut-parleur : une flexion de la voix et tout est évident. La mélancolie qui ronge le vieux doge, son déchirement devant l’inéluctable, le poids de l’âge en même temps que celui du devoir, tout ce qui se défait d’une vie quand on aperçoit que l’horizon s’approche, tout est palpable dans ce chant digne et constamment émouvant. Car Verdi, ce n’est pas la virtuosité, ce n’est pas le clairon sonore, ce n’est pas l’hystérie, Verdi c’est la vérité. Dans notre monde où tant de valeurs se dissolvent, cette noblesse expressive portée haut par la voix d’un véritable seigneur réchauffait le cœur.

Grâce à l’initiative de Chantal et Jean-Marie Fournier, les patrons de la Salle Gaveau, une salle indépendante (c’est-à-dire sans subvention de l’Etat), Plácido Domingo a offert à ceux qui assistaient à ce véritable événement, le premier de 2022, un moment d’émotion rare. À 81 ans, le lion est toujours debout, le doge de l’opéra règne encore – et tous l’ont salué debout en lui criant merci pour l’espoir qu’il donnait !

Alain Duault

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