Retransmission de Lady Macbeth de Mzensk en ouverture de La Scala

Xl_lady_macbeth_de_mzensk_teatro_alla_scala_2025 © Lady Macbeth de Mzensk à La Scala

Ce 7 décembre, La Scala de Milan ouvre sa saison avec une nouvelle production de Lady Macbeth de Mzensk, opéra sulfureux de Chostakovitch (longtemps censuré en Union soviétique), dans une nouvelle mise en scène de Vasily Barkhatov. La production fait l’objet d’une retransmission mondiale. 

Pour les Milanais, le 7 décembre est le jour dans la Saint Ambroise, le saint patron de Milan. Pour les amateurs d’opéra, c’est aussi le jour de l’ouverture de chaque nouvelle saison de La Scala de Milan, marquée par une nouvelle production emblématique. Ce dimanche 7 décembre, le Teatro alla Scala donnera le coup d’envoi de sa saison 2025/26 avec Lady Macbeth de Mzensk, de Dmitri Chostakovitch, à l’occasion des 50 ans de la disparition du compositeur. Le théâtre milanais opte pour la version originale de 1934 de l’œuvre, la plus sulfureuse et la plus controversée, qui valut à Chostakovitch l’ire du pouvoir soviétique de l’époque.

Pour la douzième fois, dans la fosse milanaise, c’est le chef Riccardo Chailly qui assurera la direction musicale de la production – ce sera aussi la dernière en tant que directeur musical, puisque son départ de La Scala est planifié pour l’été prochain. Côté scène, la production est confiée au metteur en scène russe Vasily Barkhatov, dont on connait la finesse du traitement psychologique des personnages dont il s’empare.

De la gloire à la censure

Lady Macbeth de Mzensk n’est pas une œuvre anodine. Composé entre 1930 et 1932 (après le succès du Nez, le premier opéra de Chostakovitch), l’ouvrage est créé à Leningrad en 1934 à une époque où les artistes soviétiques croient à une forme de libéralisation culturelle dans leur pays – qui sera vite démentie. Les premières représentations sont un triomphe en Union soviétique (24 représentations à Leningrad, une centaine à Moscou), et l’opéra est salué comme un nouveau chef-d’œuvre de l’art russe avant de s’exporter à travers le monde – au Metropolitan Opera de New York, puis à Philadelphie, à Stockholm, Prague ou Londres...

Puis en 1936, Staline assiste à une représentation au Bolchoï. La délégation officielle quittera la salle avant le dernier acte de l’opéra. Deux jours plus tard, une critique assassine est publiée dans la Pravda et dénonce « le chaos à la place de la musique », évoquant une œuvre « pornographique » et « ennemie du peuple ». Rapidement, l’ouvrage sera retiré de l’affiche et « l’affaire Lady Macbeth » marque la fin de la liberté artistique en URSS – la Lady Macbeth de Chostakovitch devait être le premier opus d’une trilogie sur la condition féminine en Russie avant, pendant et après la Révolution de 1917, les deux volets suivants ne verront jamais le jour.

Quelques années plus tard, l’ouvrage sera retravaillé par le compositeur, puis ressuscité en 1963, dix ans après la mort de Staline, sous le titre Katerina Izmaïlova. Cette réécriture sera donnée sur plusieurs grandes scènes mondiales pendant deux décennies avant que la version originale ne soit redécouverte dans les années 1980 et c’est cette première version de Lady Macbeth de Mzensk que donne La Scala dans le cadre de sa « prima » – faisant dire à Riccardo Chailly qu’il s’agit là de la « reconnaissance d'un géant lyrique du XXe siècle, d'un opéra qui a trop longtemps souffert », en référence à la censure de l’œuvre pendant des décennies. 

Lady Macbeth de Mzensk, portrait de femme à la fois tragique et moderne

Il faut dire que dans l'Union soviétique de l’époque, l’opéra de Chostakovitch avait de quoi déconcerter. Le livret, adapté d'une nouvelle de Nikolaï Leskov, relate l’histoire de Katerina, prisonnière d'un mariage sans amour avec un mari absent et un beau-père autoritaire. Elle les tuera l’un et l’autre, dans l’espoir de fuir avec son amant Sergueï, avec qui elle s’imagine un autre avenir. Les crimes seront néanmoins découverts, le couple est condamné aux travaux forcés, et sur le chemin de la Sibérie, Katerina sera trahie et humiliée par Sergueï qui en séduit une autre. Dans un finale intense, la jeune femme se suicidera en emmenant sa rivale dans la mort, dans un ultime acte de liberté.

Pour autant, l’opéra de Chostakovitch ne dépeint pas simplement le portrait d’une meurtrière. Katerina refuse la vie que la société russe lui assigne, et cherche désespérément à être considérée et aimée. Dans cette vie contrainte, la violence (un crime d’opportunité) lui apparait comme l’unique solution pour sortir de sa condition.

Pour la « prima » de La Scala, le metteur en scène Vasily Barkhatov fait le choix de transposer l’action dans une grande ville des années 1950, comme pour souligner la modernité de cette Lady Macbeth de Mzensk qui revendique sa liberté dans un monde qui la juge. Pour illustrer cette vision de l’œuvre, le scénographe Zinovy Margolin imagine un décor à la fois industriel et urbain, ces lieux où « la solitude perdure même au milieu de la foule ». Pour autant, le metteur en scène ne retient pas que la dimension tragique de l’œuvre, et fait sien les propos de Chostakovitch qui considérait que « le rôle de l’art consiste à encourager le public à aimer la vie », mêlant volontiers la caricature et le grotesque au drame. Quant au rôle de Katerina, il sera interprété par la soprano américaine Sara Jakubiak, après l’avoir déjà incarné avec une rare intensité et engagement hors du commun, notamment au Gran Teatre del Liceu de Barcelone l’année dernière.

Répétitions, Lady Macbeth de Mzensk - Teatro alla Scala (2025)
Répétitions, Lady Macbeth de Mzensk - Teatro alla Scala (2025)

Une Lady Macbeth de Mzensk retransmise mondialement depuis La Scala

La « prima » de La Scala est toujours un événement et comme c’est souvent le cas maintenant, cette Lady Macbeth de Mzensk milanaise fera l’objet d’une captation vidéo et d’une retransmission mondiale.

En Italie, dans le cadre du projet « Prima Diffusa », la production sera projetée gratuitement dans divers hauts lieux milanais, des théâtres de quartier aux centres culturels, en passant par des centres communautaires et des associations. La Scala s’associe aussi à la Rai pour diffuser la production en direct à la télévision sur Rai 1 en début de soirée le 7 décembre, ainsi que sur RaiPlay à la demande pendant les 15 jours suivants.

Hors des frontières italiennes, la production sera aussi retransmise à la télévision sur ARTE (notamment en France et dans les pays francophones et germanophones), ce dimanche 7 décembre à partir de 22h50, puis en ligne sur Arte Concert. Le spectacle sera aussi retransmis mondialement sur la plateforme payante Medici TV, ainsi que sur RSI en Suisse ou encore sur NHK au Japon.

Cette nouvelle production de Lady Macbeth de Mzensksera donnée sur la scène de La Scala de Milan du 7 au 30 décembre 2025.

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